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L'histoire

Compin Group : la vision d’un entrepreneur 08.02.10

En pariant sur le projet Marc Granger, LBO France a accompagné la naissance d’un des leaders mondiaux de l’équipement ferroviaire pour le confort des passagers. Un succès couronné au coeur de la morosité économique par un LBO secondaire avec Barclays Private Equity
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L’histoire du groupe équipementier ferroviaire Compin est intimement liée à celle d’un homme. Marc Granger, la quarantaine à peine entamée, est en 2004 un jeune responsable promis à un bel avenir dans le cénacle du CAC 40. Cet ingénieur de formation a tracé sa carrière depuis vingt ans au sein de grands groupes et dirige alors la division matériel roulant d’Alstom. Traduction chiffrée : 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires avec sous sa responsabilité quelque 18 000 personnes dans une trentaine d’usines à travers le monde. Mais le démon de l’entrepreneuriat le taraude depuis déjà quelques temps. Son ambition : dénicher un secteur à consolider pour en faire émerger un groupe leader mondial. Un « défi » mal compris à l’époque par son entourage professionnel. Que diable allait-il faire dans cette galère d’entrepreneur !Son inclinaison professionnelle le conduit à identifier le marché des fournisseurs de systèmes pour l’intérieur des trains. « Avec près de 177 acteurs, le secteur  était très atomisé, face à un marché des constructeurs de matériel roulant réduit pour l’essentiel à trois grands groupes », résume Marc Granger. L’idée est donc de regrouper, brique par brique, l’offre des équipementiers afin de répondre aux besoins des constructeurs et opérateurs ferroviaires. Ses recherches s’attardent sur Compin. La cible est idéale comme premier tremplin. Malgré sa taille modeste, la PME de 250 salariés est leader européen –autant dire mondial- de la conception et la fabrication de sièges pour le marché ferroviaire. Son histoire centenaire, née en 1902 à Courbevoie, est en outre une belle signature. Elle a fourni, entre autres, les premiers sièges du métro parisien. Son usine d’Evreux est un modèle de qualité. Mais surtout, sa structure actionnariale justifie une évolution. En 2005, son actionnaire principal, l’industriel Patrick Balloffet est, à 60 ans, dans une logique de cession, huit ans après avoir repris la PME qui affiche alors 50 millions d’euros de chiffre d’affaires et un Ebitda flirtant avec les trois millions.Une PME « tremplin » 
Reste à trouver un montage financier approprié pour cette opération de « buyin ». D’autant que Marc Granger a déjà en tête ses futurs build-ups. Vers la mi-février 2005, après avoir sélectionné cinq ou six fonds potentiels, son choix se porte finalement sur LBO France. « Nous avons rapidement été en osmose sur le projet avec l’équipe de Robert Daussun et Pierre Gallix », se souvient le futur dirigeant. Les joueurs sont prêts. La partie va se dérouler en quelques actes. Une rencontre avec le vendeur fin février, un financement bouclé le 14 avril et un closing final le 15 juin. Si Marc Granger tient à s’engager d’un point de vue patrimonial, l’investisseur est largement majoritaire majoritaire à l’issue du montage. « Nous avons eu la chance d’avoir des partenaires financiers très intéressés et très réactifs », se félicite Pierre Gallix. Il s’agit pourtant de trouver des prêteurs enclins à accompagner un projet sur le long terme, non dénué de risques, en rajoutant notamment des financements sans reculer devant une dynamique de build-up. BNP Paribas et Mezzanis sont chefs de file sur la dette senior et la mezzanine, pour un levier avoisinant les 70%.
Peu de temps après l’acquisition, Marc Granger essuie un premier coup dur : l’annulation de la commande d’un gros client de Compin. Cet électrochoc va être l’occasion pour le manager de crédibiliser son nouveau statut et de remobiliser ses troupes en inter-ne pour leur faire prendre conscience qu’une évolution est salutaire. « Sa force va être de repartir à l’assaut des clients. C’est toujours dans la difficulté que l’on reconnaît les bons managers », rappelle Pierre Gallix.Cap sur la consolidationÀ partir du tournant 2005-2006, il est temps de mettre en oeuvre la feuille de route fixée : il s’agit de donner un vrai sens au groupe. En l’espace de quatre ans, pas moins de cinq acquisitions et deux ouvertures de sites de production sont concrétisées. En octobre 2006, deux build-ups marquent l’ouverture de la chasse dans l’équipement intérieur et les matériels composites, avec le soutien de son actionnaire financier et de ses prêteurs : une ancienne filiale de Bombardier, Sofanor (porte-bagages, systèmes d’éclairage, plafonds, cloisons coupe-feu) et Défi 22 (cabines de trains, bouts avant, pupitres de conduite), spin-off d’Alstom dans les années 80, alors en recherche de capitalisation. Ces acquisitions stratégiques, qui représentent quelque 24 millions d’euros de revenus supplémentaires, marquent un tournant dans la structure même de la société : elles signent l’acte de naissance de Compin Group. En septembre 2007, EMC, premier acteur français des bouts avants (TGV Duplex, TER 2N…) tombe dans son escarcelle. Ce build-up, financé sur fonds propres et une solide ligne de crédit, signe par ailleurs l’implantation du groupe au Maroc. Une unité de sièges en Pologne voit également le jour. Et les carnets de commandes des constructeurs et opérateurs confirment le succès de la marque. Compin compte parmi ses clients les trains et métros de Dublin, Melbourne, Madrid, Rotterdam ou encore le nouveau tramway des Maréchaux de Paris. Le groupe est notamment choisi pour le réaménagement du matériel alloué au TGV Est, dont le design est assuré par Christian Lacroix.L’internationalisation

2008 marque l’ère de l’internationalisation. En mai, Compin s’implante officiellement en Angleterre par la reprise de l’essentiel des activités d’AVE Rail Products (7,5 millions d’euros de revenus pour 2009), spécialisée dans la fourniture d’équipements intérieurs et de pupitre de conduite. La création de la filiale donne l’occasion aux actionnaires de passer par la case recapitalisation, à laquelle « les banques ont eu le courage de participer alors que la situation était tendue », se remémore Pierre Gallix. Quatre mois plus tard, le groupe français se lance sur le marché chinois en prenant le contrôle de Quingdao Railway (12 millions d’euros de revenus en 2007 pour 350 salariés) via une joint venture. « Le potentiel de marché en Chine est insoupçonné », relève Marc Granger. Au-delà de la grande vitesse, la libéralisation des réseaux de transport urbain est annoncée par certains comme une véritable révolution. Et de nombreux acteurs français au premier rang desquels la RATP nourrissent de grandes ambitions.L’aventure industrielle continueEn 2008, conformément au calendrier habituel de LBO France, il est temps d’envisager une séparation d’avec son actionnaire. Le chiffre d’affaires a été multiplié par trois en quatre ans, et les perspectives sont solides Cette fois-ci, le processus de vente est plus structuré qu’en 2005, encadré par des banques d’affaires. Plus long aussi. Car la crise du financement vient malgré tout s’inviter dans les négociations, « même si les banques et les mezzaneurs ont été réceptives », précise Mr. Granger. BNPP et Mezzanis souhaitent même remettre le couvert. Au final, Barclays Private Equity remporte la mise et reprend plus de 70% de l’équipementier, valorisée près de 95 millions d’euros, soit 7,5 fois l'Ebitda attendu en 2009, grâce à une dette légèrement inférieure à l'equity investi et qui représenterait près de 4 fois l'Ebitda. De son côté, LBO France reste présent à hauteur de 8% du capital. Le fonds réalise près de quatre fois sa mise. Marc Granger réinvestit pour sa part avec son management pour monter à près 20 % du capital. Un engagement qui témoigne de la confiance des acteurs en un projet industriel qui devrait traverser la crise. En dépit d’une année 2009 en demi-teinte, l’équipementier a redressé la barre en fin d’année en décrochant une commande ferme d’au moins 80 millions d’euros pour la rénovation de l’intérieur des TGV Sud-Est. De quoi commencer 2010 sous de bons auspices. 
N°51 - Janvier 2010

 

Benjamin L'Hoir

Visions croisées

Marc Granger, Pdg de Compin Group, et Pierre Gallix, associé de LBO France, reviennent sur leur partenariat.

PRIVATE EQUITY MAGAZINE : Comment vous-êtes vous choisis ?

M. G. : J’ai apprécié la vision industrielle de LBO France et en particulier celle de Pierre Gallix dont l’approche entrepreneuriale a été primordiale Nous avons tout de suite été en osmose sur le potentiel de création de valeur de ma stratégie.

P. G. : Marc Granger avait une vision très claire de son projet basé sur la consolidation d’un secteur stratégique par croissance externe. Or, nous avons une inclinaison historique pour les entreprises que nous soutenons pour leur build-ups.

PRIVATE EQUITY MAGAZINE : Comment s’est passée votre collaboration ?

M. G. : Notre relation a été extrêmement transparente et non-intrusive. LBO France a eu confiance en mes capacités managériales et mon expérience du secteur ferroviaire sans exiger un reporting au-delà de ce que j’exigeais de mon directeur financier. Leur intervention se faisait surtout sur l’art et la manière d’évaluer les entreprises avant de les acquérir.

P. G. : Notre collaboration a été basée sur la confiance mutuelle. Il a pu se passer plusieurs semaines sans que l’on se parle. Je suis plutôt un entrepreneur car je viens du conseil stratégique. Nos compétences étaient donc très complémentaires. Sur certaines acquisitions, Marc n’avait pas besoin de moi. Le processus d’acquisition de Sofanor a été en revanche très lourd et j’ai moi même participé activement aux négociations.

PRIVATE EQUITY MAGAZINE : Comment avez-vous organisé votre séparation ?

M. G. : C’est un challenge que je m’étais fixé lorsque j’ai identifié le capital investissement comme solution d’accompagnement. J’ai donc pris la décision de repartir avec un fonds, un an avant le changement d’actionnaires. Je n’ai jamais envisagé de repreneur industriel, cela ne rentrait pas dans la dynamique que j’avais envie de poursuivre. Il y a encore des zones vierges sur notre secteur et les potentiels de consolidation sont encore importants à l’échelle européenne.  

P. G. : À titre personnel, Compin a été une des belles histoires de croissance de ma carrière. Nous étions arrivés à une phase où le groupe avait atteint une taille satisfaisante par rapport à nos objectifs. Mais c’est avant tout une aventure industrielle qui a encore un potentiel significatif de croissance, malgré la crise, pour atteindre les 500 millions d’euros de chiffre d’affaires. Il était donc temps de passer la main.

Repères

> 1902 - création de Compin à Courbevoie
> 1980 - premiers sièges TGV > 2005 - reprise de Compin par LBO France et Marc Granger
> 2006 - acquisitions de Sofanor et Défi 22 - naissance de Compin Group
> 2007 - acquisitions de ECM - ouverture d’une usine de production en Pologne et au Maroc
> 2008 - refinancement, joint venture en Chine (Quingdao Railway) - acquisition de création de Compin UK
> 2009 - LBO secondaire avec Barclays Private Equity
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