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L'histoire

Equipements de magasin Retif, l'envers du decor 15.03.10

À coups de build-ups européens, Retif a connu une belle croissance qui a fait le bonheur de ses investisseurs successifs… jusqu’à ce que la crise vienne révéler les failles du modèle. Pragma Capital a donc passé la main et offert à sa participation une bouffée d’oxygène pour prendre un nouveau départ.
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n 20 ans, le spécialiste de l’équipement des magasins Retif a connu quatre LBO successifs et une croissance externe soutenue qui l’a hissé au premier rang européen d’un marché de niche encore très atomisé. Son activité récurrente fortement génératrice de cashflows et assortie de belles marges n’a pas manqué d’attirer les investisseurs financiers qui ont défilé à son capital dès la fin des années 80 : un premier MBO avec L’Lione Participations, UI, Phénix Développement et la Banque du Phénix, un second en 1997 avec Alpha et Alpinvest, un troisième avec ABN Amro Capital (aujourd’hui Abénex) et Barclays Private Equity en 2002 et enfin le dernier en 2007 avec Pragma Capital qui a invité à son tour de table Caledonia Plc, BNP Paribas Développement, AGF PE ainsi que les cédants Abénex et Barclays PE. Ce modèle de gouvernance avait plutôt réussi à la PME des Alpes-Maritimes créée en 1963 et qui est passée d’une soixantaine de magasins fin 90 à plus de 150 en 2007 en renforçant ses implantations en France, en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas, par le réseau de VPC Morplan, racheté au Royaume-Uni en 1999, l’activité d’accessoires pour fleuristes Floristik en Allemagne et l’enseigne de vente par correspondance scandinave Supersellers… jusqu’à ce que la crise vienne révéler les failles d’un modèle de développement qui a surendetté le groupe. 
Mauvais timingLe montage de 2007 valorisait Retif quelque 340 millions d’euros, soit 10,5 fois son Ebit et reposait sur une dette de près de 280 millions d’euros dont une mezzanine de 50 millions souscrite par ICG et une dette senior de 225 millions d’euros apportée par Bank of Scotland qui n’a pas eu le temps de la syndiquer avant le déclenchement de la crise des subprimes fin 2007. Le quatrième LBO a-t-il été celui de trop et enrayé la belle mécanique génératrice de cash ? « C’est facile de faire le procès du LBO a posteriori, défend Jean-Pierre Créange, président du directoire de Pragma Capital. Bien sûr qu’on a payé trop cher mais la valorisation correspondait aux multiples historiques pour la distribution spécialisée. Personne ne pouvait anticiper la violence de la crise qui ne nous a pas laissé le temps de consolider la politique de croissance soutenue qu’avait connue Retif avant notre arrivée ». Le retail ayant été un des premiers secteurs impactés par le retournement de conjoncture, la baisse subite d’activité en 2008 a rompu l’équilibre d’un montage devenu trop tendu. Même si l’exploitation est toujours restée bénéficiaire, la restructuration financière devenait inéluctable. Et Pragma Capital n’a pas cherché à l’éluder.

Un pro à la rescousse
« Dès début 2008, nous avons pris la mesure de la crise et tenté d’anticiper ses répercussions » soutient Jean-Pierre Créange. Le management en place n’ayant pas été assez réceptif à ces messages d’alertes, il a été remplacé fin 2008 par un professionnel de la restructuration, Tarek Ghandour, exprésident de Quelle France, et qui compteà son actif le redressement de la filiale de Redcats spécialisée dans la vente de meubles à distance La Maison de Valérie. Ce dernier dresse l’inventaire d’une politique trop focalisée sur la croissance externe qui a conduit à disperser les énergies et à sousexploiter le potentiel de croissance organique. « Retif s’est laissé distancer par l’évolution du marché et des besoins de ses clients, souligne Tarek Ghandour. Les commerçants indépendants du textile, qui  représentent la plus grande part de notre activité, sont confrontés à la concurrence des mastodontes comme Zara et H&M et attendent plus de nous que des produits d’agencement, ils veulent du conseil. »Recentrage sur la croissance organiqueLe nouveau manager élabore donc une nouvelle stratégie recentrant le développement de Retif sur les activités coeur de métier et la croissance organique. Les activités déficitaires en Allemagne (une quarantaine de magasins à l’enseigne Floristik) ont été cédées en novembre 2009. Avec cette cession, Retif a rempli la condition suspensive de l’accord qu’il a négocié avec son principal créancier, Bank of Scotland, qui convertit 250 millions d’euros de dette en capital et devient ainsi l’actionnaire majoritaire avec 70% du capital. La dette de 380 millions d’euros, qui bridait toute marge de manoeuvre opérationnelle, est ainsi réduite à 130 millions d’euros, dont 50 millions amortissables et 80 millions remboursables en 2016 sur la base d’intérêts capitalisés (cf. schéma ci-contre). L’actionnariat a bien entendu été totalement reconfiguré au détriment des investisseurs financiers menés par Pragma Capital qui voient leur part baisser à 15 %.Un plan ambitieux« Le principal souci pendant toutes les négociations a été de préserver l’intérêt du sous-jacent » insiste Jean-Pierre Créange qui rappelle qu’il n’y a pas eu de licenciement, contrairement aux restructurations plus violentes dans les entreprises non détenues par des financiers. ICG, qui avait apporté la dette mezzanine de 50 millions d’euros, contrôle désormais 9,5 %. Enfin le solde de 5,5% est aux mains du management, étoffé par Tarek Ghandour qui a négocié dans la foulée une ligne d’investissement de 19 millions d’euros pour mettre en oeuvre son plan. Pour booster la croissance de la PME qui a vu son chiffre d’affaires baisser de 165 millions en 2007 à 145 millions en 2009 (à périmètre comparable hors filiale allemande), la nouvelle équipe prévoit la modernisation des magasins, de nouvelles ouvertures et un plan de formation du personnel pour développer les activités de conseil et de services. Trop captif du textile, Retif oeuvre également à diversifier davantage sa clientèle et renforcer sa présence dans le secteur de l’équipement de la personne. « Retif jouit d’un positionnement unique sur un marché de niche très rentable, ce qui lui a permis de traverser cette crise sans accuser de perte d’exploitation, rappelle Tarek Ghandour. Ce plan devrait permettre de réveiller la belle endormie et renouer assez vite avec une croissance soutenue ». La stratégie a beau changer, le slogan reste le même pour une société détenue depuis vingt ans par des spécialistes du «réveil des belles endormies».

N°52 - Février 2010 

Houda El Boudrari

Repères

> 1989 : 1er LBO avec L’Lione Participations, UI, Phénix Développement et la Banque du Phénix.
> 1997 : 2ème LBO avec Alpha et Alpinvest.
> 1999 : Rachat du réseau britannique de VPC Morplan.
> 2002 : 3ème LBO avec ABN Amro Capital (aujourd’hui Abénex) et Barclays Private Equity.
> 2004 : Rachat de l’enseigne allemande de décoration des fleuristes Floristik.
> 2007 : 4ème LBO avec Pragma Capital, Caledonia Plc, BNP Paribas Développement, AGF PE et les cédants Abénex et Barclays PE.
> Août 2009 : Signature de l’accord de restructuration : debt to equity swap qui donne la majorité du capital à Bank of Scotland.
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