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L'histoire

Axa Private Equity met en lumière Photonis 02.04.10

Axa Private Equity met en lumière Photonis
En sept ans, le spécialiste de la photodétection a doublé de taille et est devenu un groupe international pérenne, recentré sur ses marchés les plus porteurs. Un dossier exemplaire pour son actionnaire Axa Private Equity, qui s’est fortement impliqué au niveau stratégique, opérationnel mais aussi social.
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Axa Private Equity met en lumière Photonis
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Quand Axa Private Equity fait l’acquisition de Photonis en décembre 2001, la société rachetée par Barclays Private Equity à Philips en 1997, sort d’un processus de cession ouverte qui n’a pas abouti. Axa Private Equity est donc entré dans un processus de gré à gré avec les vendeurs en proposant au management un montage dans lequel ce dernier passe de 10 à 24,5 % du capital, et au cédant une offre de 40 millions d’euros, qui valorise l’entreprise 5,5 fois son Ebit. Le fabricant de composants optroniques réalise alors 59,4 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont plus de la moitié sur le marché de l’imagerie médicale, avec des clients comme General Electric, Siemens ou Philips, pour lesquels il produit des tubes photomultiplicateurs utilisés dans les scanners. Le deuxième marché, qui représente 39% de l’activité, est celui de la vision nocturne, avec des applications dans la défense, pour l’équipement passif des fantassins, et la sécurité intérieure, pour la surveillance des postes-frontières. Enfin, Photonis réalise 10% de son chiffre d’affaires en « Science et Industrie », avec la fabrication de détecteurs de bas niveau de lumière ou de rayon-nement utilisés notamment dans le nucléaire (détection des fissures…).
Dérisquer la société
Malgré son savoir-faire technologique, la société, dont l’unique usine est située à Brive la Gaillarde, en Corrèze, n’est pas exempte de risques. « L’usine connaissait des problèmes de qualité, avec des taux de déchets importants dans la production des intensificateurs de lumière, et nous devions aussi faire face à un risque de change dollars/euros sur nos contrats dans l’imagerie médicale » explique Philippe Poletti, managing director d’Axa Private Equity. Immédiatement, l’investisseur s’emploie donc à « dérisquer la société » : une couverture du taux de change est mise en place pendant trois ans et les process industriels sont fiabilisés, à la suite d’un plan d’investissement qui se chiffrera à 20 millions d’euros sur sept ans, et qui permettra de faire significativement baisser le taux de rebut. Mais Photonis est exposé à un troisième risque, plus difficile à gérer : sur le marché de l’imagerie médicale, le groupe doit faire face à une forte concentration de ses clients, le plus important, General Electric, représentant un quart du chiffre d’af-faires en 2001. Avec un concurrent américain, Burle Industries, dont une partie de la production est située au Mexique, et des clients qui négocient le prix des photomultiplicateurs comme celui de simples composants non-stratégiques, Photonis est en position de faiblesse sur son principal marché.
Stratégie de build-up
Axa Private Equity va donc soutenir le management dans une politique ambitieuse de build-up ayant pour objectif de faire du groupe un acteur international, recentré sur les marchés de la vision nocturne et des sciences et industries. Le fonds mobilise une « task force » qui travaille sur une première acquisition, celle du néerlandais Delft Electronic Products, le seul concurrent non-américain dans le domaine de la vision nocturne. Un marché en forte croissance, les armées européennes et américaines s’étant engagées dans des programmes destinés aux « fantassins du futur », équipés de matériel de vision et de communication dernier cri. Contacté dès 2002, DEP est finalement acquis début 2005, après deux tentatives infructueuses. L’ensemble Photonis-DEP devient le seul fabricant européen de tubes intensificateurs de lumière, avec de fortes complémentarités en termes de lignes de produits, de couverture géographique et un potentiel d’innovation renforcé. Parallèlement, le groupe s’engage dans un autre processus d’acquisition complexe, celui de Burle Industries, afin de renforcer sa position concurrentielle dans le domaine médical et de consolider sa position de numéro 2 mondial dans le domaine des tubes intensificateurs de lumière, des photomultiplicateurs et des galettes de microcanaux derrière le japonais Hamamatsu. Après de complexes négociations, avec des restrictions d’accès à certaines usines du groupe américain, Photonis met la main pour 33 millions d’euros sur trois sites de production, un dans le Massachussetts, un en Pensylvanie et un au Mexique. Le nouveau groupe, qui pèse, en 2006, 120 millions d’euros pour 20 d’Ebitda, est désormais un acteur international leader sur ses marchés de niches, à l’image de son management, profondément renouvelé et constitué de profils internationaux mieux adaptés à la clientèle du groupe.
Problématique sociale 
En 2006, Axa Private Equity teste le marché une première fois mais les acquéreurs pressentis ne se montrent pas encore prêts à acheter les synergies potentielles du nouveau groupe. En outre, l’activité historique de photomultiplicateurs pour l’industrie médicale souffre, avec une chute des ventes de 60% entre 2003 à 2006. Les principaux clients américains de Photonis subissent les effets du Deficit Reduction Act voté en 2006, qui vise à réduire les dépenses des organismes de santé et donc les remboursements d’examens médicaux. Premier employeur du département de Corrèze, avec 643 personnes sur le site de Brive, Photonis se voit contraint de réduire la voilure en novembre 2007. En actionnaire responsable, Axa Private Equity met en place un Plan de Sauvegarde de l’Emploi qui concerne 121 postes et se déroule sans aucun licenciement sec, sur la base uniquement de départs à la retraite ou volontaires et de reclassements internes grâce à l’acquisition de l’activité de la société anglaise Brennel Glass, sans oublier le plan Fonds national pour l’emploi. 
Un groupe international pérenne 
En sept ans, Axa Private Equity et le management ont donc profondément transformé Photonis, qui ne réalise plus que 7% de son chiffre d’affaires sur le marché de l’imagerie médicale, et en ont fait un groupe international pérenne employant 1 000 salariés sur cinq sites de production et disposant d’une très bonne visibilité. Surtout, la société dont le chiffre d’affaires a dépassé les 130 M€ en 2008 (pour 31 M€d’Ebitda), s’est recentrée sur ses activités les plus porteuses, dans lesquelles elle est devenue le fournisseur de référence des grands assembleurs européens, comme Thalès ou Safran. La vision nocturne représente maintenant 65% de son CA et les sciences et industrie 35%. Pour sécuriser ses approvisionnements, Photonis a d'ailleurs conclu entre novembre 2006 et avril 2008 trois nouveaux build-up sur de petites sociétés technologiques, les hollandais Antheryon Optics et Hi-Light Opto Electronics et le britannique Brennel Glass. 
Restait à trouver un acquéreur pour démarrer une nouvelle aventure : à la suite d’enchères très disputées, Astorg l’emporte en septembre 2008, devançant Barclays Private Equity (auquel Astorg a depuis resyndiqué 16% du capital), Silverfleet et LBO France. Avec une offre de plus de 260 millions d’euros, dont 150 millions de dette, le fonds reprend 80% du groupe spécialisé dans la photo-détection, aux côtés des CEO et CFO, Goossen Boers et Bruno Manac’h et d’environ 100 managers, et permet à Axa Private Equity de réaliser un multiple supérieur à cinq. Lors de la cession, 4% de la plus-value réalisée par les actionnaires est redistribué à l’ensemble des salariés sous la forme d’une prime exceptionnelle, représentant environ trois mois de salaire moyen. Preuve est faite que la société d’investissement présidée par Dominique Senequier sait mettre en conformité ses paroles et ses actes*. 

* En 2008, D. Senequier a proposé d’inscrire dans le code du travail une disposition contraignant les fonds de LBO à redistribuer aux salariés 5% de la plus-value réalisée au moment de la revente de l’entreprise.
François-Xavier Chapelle

Repères

1997 : MBO de l’activité optronique de Philips avec Barclays Private Equity
2001 : deuxième MBO avec Axa Private Equity
Février 2005 : build-up sur DEP 
Juillet 2005 : build-up sur Burle Industries
Novembre 2006 : build-up sur Antheryon Optics
Juillet 2007 : build-up sur Hi-Light Opto Electronics
Novembre 2007 : plan de sauvegarde de l’emploi
Avril 2008 : build-up sur Brennel Glass 
Septembre 2008 : troisième MBO avec Astorg
Mars 2009 : arrêt de la production de photomultiplicateurs

Visions croisées

Private Equity Magazine : Quel type d’actionnaire a été Axa Private Equity pour Photonis ?
Philippe Poletti : Nous avons joué un rôle d’actionnaire industriel en réalisant un plan d’investissement organique ambitieux de plus de 20 millions d’euros. Et nous avons surtout initié le recentrage du groupe sur les marchés les plus rentables et les moins exposés aux fluctuations de change.
Goossen Boers : Axa Private Equity a laissé au management un bon niveau d’autonomie tout en étant très présent quand cela était nécessaire, au cours des acquisitions par exemple. Il a su aussi garder une vision long terme du développement de Photonis, en investissant dans l’outil industriel et en maintenant l’effort d’innovation .

PEM : Quelle a été la période la plus compliquée de votre collaboration ?
P. P. : La décision de faire un plan social a été très difficile à prendre. Au final, il n’y a pas eu de licenciements secs et les salariés concernés par le PSE ont également touché la prime exceptionnelle de redistribution de la plus-value.
G. B. : Il a été dur de convaincre Axa PE qu’il était nécessaire d’arrêter les frais, même si Photonis était rentable. Depuis, la décision a été prise d’arrêter la production de photomultiplicateurs, qui restait un foyer de perte pour l’entreprise et qui constituait un souci pour l’équilibre financier du groupe.

PEM : Comment se présente l’avenir pour Photonis ?
P. P. : Nous avons laissé l’entreprise avec un carnet de commandes de dix-huit mois et une position de numéro un en dehors des États-Unis sur le marché de la vision nocturne. Je suis certain que les nouveaux actionnaires et le management international que nous avons mis en place continueront à faire croître le groupe.
G. B. : Notre carnet de commandes est maintenant passé à deux ans de chiffre d’affaires, et nous prévoyons pour 2009 une forte croissance des revenus et surtout de l’Ebitda. Nous souhaitons maintenant, à partir de notre position de fournisseur de référence dans le domaine de la photodétection, nous rapprocher d’autre fournisseurs de composants, dans les domaines civil et militaire.
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