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L'histoire

Eurazeo maîtrise la conduite d’Europcar 22.07.10

Si Europcar a régulièrement grevé les résultats d’Eurazeo depuis la crise, l’investisseur coté ne lui en tient pas rigueur et se dit prêt à accompagner encore longtemps le leader européen de la location courte durée. Avec une nouvelle feuille de route et un nouveau pilote aux commandes.
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En 2006, Eurazeo n’a pas hésité à surenchérir de plus de 10 % sur la valorisation du marché et à aligner 3,1 milliards d’euros pour remporter Europcar à la barbe de la dizaine de candidats à l’achat de la filiale de Volkswagen. Certes, les conditions de marché n’avaient rien à voir à l’époque et l’investisseur n’a pas eu de mal à lever un crédit relais de 2,3 milliards d’euros auprès de quatre banques de la place (SG, Calyon, BNP Paribas et Deutsche Bank). La holding cotée, qui s’était taillée une belle réputation d’ingénierie financière avec la titrisation « whole business » de Fraikin en 2004, voulait renouveler l’expérience en l’adaptant au modèle de location courte durée d’Europcar avant que les subprimes ne viennent interrompre le process. Qu’importe, le sponsor avait déjà obtenu de belles conditions de financement (pas de dette amortissable ni de covenants à surveiller) et ce sont les banquiers qui se sont retrouvés « collés » avec le papier. Mais si Eurazeo a bénéficié à l’époque d’une profusion de liquidité, il n’a pas fait pour autant l’économie d’une réflexion stratégique et d’un projet industriel. « Nous étions persuadés du potentiel de crois sance du marché de la location de voitures, soutient Gilbert Saada, membre du directoire d’Eurazeo. Une tendance qui allait s’imposer progressivement pour répondre à une problématique d’usage de la voiture et non plus de propriété, poussée par la saturati on des villes et par la montée de la sensibilité environnementale. » Bien vu : un récent sondage Ifop révèle que seuls 30 % de jeunes rêvent de posséder une voiture, alors qu’il étaient 70 % il y a vingt ans. Ajoutez à cela l’ingrédient « belle endormie qui n’a jamais été core business pour ses actionnaires successifs depuis les années 1970, ballottée au gré des politiques de diversification puis de recentrage de mastodontes de l’automobile et du tourisme (Renault puis Accor puis Volkswagen) ». Et vous obtenez un beau projet industriel, déployé tambour battant dès les premiers mois de l’acquisition. Pas le temps de souffler pour le management mené par Salva tore Catania. Entre le signing et le closing, soit en l’espace de trois mois, il devra boucler quatre acquisitions : Keddy Car & Truck Rental en Belgique, les activités européennes de l’américain Vanguard Car Rental, propriétaire des marques National Car Rental et Alamo Rent A Car, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Suisse.De quoi offrir au leader français le podium européen et rééquilibrer ses activités entre les véhicules de tourisme et d’affaires, pour lisser la saisonnalité. « Aujourd’hui, Europcar détient une part de marché estimée à 26 % en Europe, loin devant le numéro deux dont la part est évaluée à 17%», affiche Gilbert Saada. Le loueur ne s’est d’ailleurs pas contenté du terrain de jeu européen en allant à la conquête de l’Asie-Pacifique avec le rachat de l’Australien ACA Car Rental, puis en scellant un accord commercial avec le numéro un américain Enterprise.Le dos rond pendant la crise Cette velléité d’expansion sera stoppée net par la crise qui recentrera l’énergie de l’actionnaire et du management sur la maîtrise des coûts pour éviter tout dérapage financier. Dès les premiers signes de fléchissement de la demande à la fin de l’été 2008, le groupe a engagé un vaste plan de ré duction de ses coûts, d’adaptation de ses structures et d’amélioration de sa productivité. Ce plan a généré des économies avant impôt estimées à 35 millions d’euros en 2009 et a permis ainsi de juguler les effets de la baisse d’activité. Laquelle a été assez sévère puisque le chiffre d’affaires d’Europcar a connu une baisse de près de 12 % en 2009. Le loueur a été particulièrement touché par le retournement de conjoncture en Espagne qui a valu à son actionnaire coté de comptabiliser en 2009 une dépréciation totale du goodwill affecté à l’Espagne de -98,5 millions d’euros. La diminution de la demande globale, qui s’est traduite par un nombre de jours de location en retrait de 13 % a toutefois été partiellement compensée par l’amélioration du revenu moyen par jour de location (RPD) de 3,4 % à taux de change constant sur l’ensemble de l’année. « Plutôt que de mener une course effrénée au volume comme l’ont fait la plupart de ses concurrents, Europcar s’est au contraire concentré sur la qualité et le yield management, souligne Gilbert Saada. Nous avons privilégié les segments les plus rentables et les prix au volume, tout en augmentant nos parts de marché et en consolidant notre position de leader européen. » Ainsi, au second se mestre 2009, la marge opérationnelle de 17,2 % a même été comparable à celle du second semestre 2007, qui était alors la plus élevée dans l’histoire de l’entreprise.Un nouveau manager pour la repriseEt 2010 s’annonce de la même veine, puisque le plan de réduction de coût, qui a essentiellement consisté à tailler dans les frais logistiques, à améliorer la productivité des salariés (de 6 à 7%) et à ajuster la flotte dont le taux d’utilisation a évolué de 2,1 points, devrait permettre des économies estimées à 80 millions d’euros cette année.Des efforts qui se sont aussi traduits par la réduction de la dette d’exploitation, de 16 % en moyenne en 2009 et de 18 % en fin d’année. Mission accomplie pour Eurazeo ? L’investisseur assure ne pas vouloir encore se désengager de sa participation : à peine évoque-t-il à mi-mot une possible IPO, mais ce serait dans l’optique de financer des build-up et non de se frayer une porte de sortie. 
Ce qui est sûr, c’est qu’une nouvelle étape s’annonce, symbolisée par le changement de tête opéré en avril. Philippe Guillemot, l’ancien patron d’Areva T&D, aremplacé Salvatore Catania, aux commandes du groupe depuis 2003, qu’il avait rejoint il y a une trentaine d’années. Avec comme feuille de route une redynamisation commerciale afin d’être prêt pour la re prise de la demande prévue au deuxième semestre 2010. Au programme, l’introduction de véhicules verts dans le parc Europcar concrétisée par un accord signé avec Renault sur la précommande de 500 premiers véhicules électriques pour une livraison fin 2011, le développement d’une nouvelle offre de mobilité urbaine au-delà des solutions de car-sharing qui peinent à trouver leur business model, le déploiement des services de livraison à domicile sur l’ensemble du réseau… Autant de chantiers qui nécessitent certainement un regard neuf. Gageons que l’actionnariat ne devrait pas non plus tarder à se renouveler.
Houda El Boudrari

PHILIPPE GUILLEMOT, un nouveau pilote aux manettes du loueur

Philippe Guillemot, 50 ans, est diplômé de l’Ecole nationale supérieure des mines. Il a commencé sa carrière en 1983, chez Michelin, où il a occupé différents postes en relation avec la qualité et la production au Canada, en France et en Italie. Après avoir obtenu un MBA à Harvard en 1991, il est devenu consultant pour le secteur automobile chez Booz-Allen & Hamilton. En 1993, de retour chez Michelin, il a été nommé responsable industriel Pneu Très Haut de Gamme Tourisme. Il est devenu, deux ans plus tard, membre du conseil exécutif, en tant que directeur qualité, organisation, systèmes d’information et logistique. Il a rejoint Valeo en 1998 comme directeur de l’activité refroidissement moteur. En 2001, Philippe Guillemot a rejoint Peugeot-Citroën (PSA) pour devenir vice- président exécutif de l’activité sièges automobiles de Faurecia, sa filiale. En janvier 2004, il est nommé président-directeur général d’Areva T&D (transmission et distribution) et membre du comité exécutif d’Areva. A son actif, la transformation de cette activité déficitaire en 2004, et valorisée moins d’un milliard d’euros, en une entreprise mondiale, générant près de la moitié du bénéfice opérationnel de sa maison mère qui a finalement vendu Areva T&D pour près de 4 milliards. C’est d’ailleurs cette vente à laquelle il était opposé qui le fera partir tenter une aventure d’un autre genre. A la tête d’Europcar depuis avril, il est bien encore trop tôt pour juger si cet homme d’industrie saura mener à bien la mission confiée par un actionnaire pour le moins exigeant.

repères

> 1949 Création d'Europcar à Paris. 
> 1970 Renault rachète Europcar.
> 1973 Accords avec National (USA) et Tilden (Canada) dénoncés en 1997.
> 1981 Création de deux divisions : Europcar France et Europcar International.
> 1988 Europcar est racheté par la Compagnie des Wagons-Lits.
> 1988 Volkswagen acquiert 50 % d'Europcar (parts Wagons-Lits).
> 1991 Accor devient actionnaire à 50 % d'Europcar.
> 2004 Europcar devient n°1 des loueurs de voitures grâce à ses résultats en 2003.
> 2006 Europcar devient une filiale à 100% d'Eurazeo.
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