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L'histoire

Arkadin et Apax: l’entente sur toute la ligne 03.10.12

En dix ans, Arkadin s’est imposé comme un spécialiste de l’audioconférence et de la collaboration à distance, se hissant au troisième rang du marché mondial. Pour ce faire, il a pu compter sur le soutien d’Apax qui, de 2004 à 2012, l’a accompagné dans son expansion géographique.
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« Qualité du management » : l’argument est toujours cité par les fonds comme l’un des premiers motifs d’investissement, devenant presque une lapalissade. Mais l’histoire d’Arkadin est bel et bien une histoire d’hommes. Tout commence en 1993 lorsqu’Olivier de Puymorin, un entrepreneur autodidacte issu du monde de la banque, lance la réplique française d’Xpedite, un opérateur américain de messagerie par fax. Apax Partners USA est déjà actionnaire de la société américaine, tandis que les autres bureaux d’Apax financent les «franchises européennes». Paris fait de même via une participation minoritaire. L’opération est gérée par un certain Eddie Misrahi, qui réalise alors son deuxième deal au sein d’Apax. L’affaire est fructueuse ; si bien que six ans plus tard, le groupe américain, récemment coté, rachète sa petite soeur française et permet à Apax de multiplier sa mise par six. Fort de cette expérience, Olivier de Puymorin se lance dans « une nouvelle aventure entrepreneuriale ». Il s’appuie sur sa connaissance des télécoms pour monter une société de téléconférences pour les entreprises : « Les business models sont proches, et mêlent technologie, vente, ser - vice et activité internationale », explique-t-il. Le marché est dominé par quelques grands groupes comme Première ou Intercall, ainsi que par les opérateurs télécoms nationaux qui assurent ce service en marge de leur activité. « À cette époque, Olivier m’a appelé pour me présenter le projet, se souvient Eddie Misrahi, mais le montant de l’investissement demandé était trop petit pour no - tre fonds. » Le financement est donc assuré par des business angels, permettant à Arkadin de voir le jour en 2001. Les deux hommes maintiennent toutefois un contact très régulier. Chaque mois, l’entrepreneur adresse un reporting à l’investisseur pour éveiller son intérêt : « J’étais déjà considéré comme un actionnaire », raconte le PDG d’Apax Partners.

À la conquête du monde. L’accent est mis d’emblée sur le développement international. Dès 2002, la société ouvre deux bureaux à l’étranger : l’un au Royaume-Uni, l’autre en Espagne. « Le marché britannique était déjà mature, tous les principaux concurrents étaient présents, rapporte Olivier de Puymorin. En Espagne, au contraire, le marché était naissant et peu concurrentiel. Or l’implantation a été bien plus complexe dans ce pays. Nous avons tiré les conclusions nécessaires, et décidé de nous fixer sur les pays matures. » Ces quelques difficultés mi - ses à part, les affaires prennent bien. Fin 2003, Arkadin, qui emploie alors 65 salariés, atteint son point mort et affiche 6 millions d’euros de chiffre d’affaires : « Nous avions démontré la validité du modèle », résume le PDG. C’est le moment opportun pour Apax de faire son entrée. En juin 2004, le fonds investit à hauteur de 4millions d’euros, et est rejoint l’année suivante par CDC Innovation. « À partir de ce moment, nous partons à la conquête du monde ! », relate le dirigeant plein d’enthousiasme. Effectivement, les ouvertures de pays se succèdent : Allemagne, Belgique, Suède, États-Unis, Chine, Japon, Hong Kong… De huit pays en 2004, Arkadin passe à 16 pays en 2007 puis 23 en 2009. Il rassemble alors près de 600 salariés, répartis entre l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Nord, et réalise un chif fre d’affaires cumulé de 87 millions d’euros. Faiblement endetté et bénéficiant d’une « bonne rentabilité », le groupe s’engage dans un LBO, dans le but de retourner de l’argent à ses actionnaires historiques. Une dette senior de 15millions d’euros est mise en place, tandis qu’UFG Private Equity, nouvel entrant, injecte 5 millions d’euros. Les fonds possèdent près du tiers du capital, le management et les business angels se partagent le solde.

Une acquisition stratégique. Le groupe poursuit son expansion géographique et s’implante au Brésil en 2011. En parallèle, il s’adapte à l’évolution des technologies et de la demande. Initialement positionné sur les échanges téléphoniques, il intègre peu à peu à son offre la vidéo, puis un service de collaboration à distance, permettant de communiquer tout en partageant et modifiant des documents en temps réel : « Les progrès d’internet ont humanisé nos outils, explique Olivier de Puymorin. Mais la technologie est également devenue plus complexe et plus difficile à intégrer au système informatique existant dans les entreprises. » Afin que l’arrivée de nouveaux logiciels ne soit pas synonyme de maux de tête chez les utilisateurs, le chef d’entreprise a décidé de miser sur ses salariés. Les deux tiers des effectifs sont en contact avec la clientèle, que ce soit à un poste de commercial ou de service après-vente. Toujours dans le but d’être proche de ses clients, Arkadin a fait le choix de placer ses différentes antennes sous l’autorité d’un manager local, gé néralement actionnaire de la société : « Nous sommes respectueux de la culture de chaque pays. En France nous sommes une entrepri se française, aux États- Unis une entreprise américaine », résume le patron. Et justement, celui qui est devenu l’un des leaders des services de collaboration à distance guette depuis plusieurs années les opportunités de croissance externe aux USA. Après quel ques tentatives infructueuses, l’entreprise conclut en janvier 2012 l’acquisition de Conference Plus, une filiale du groupe coté américain Westell Technologies. L’opération, dont le financement est assuré majoritai rement par les fonds propres, complétés d’une dette obligataire, valorise la cible près de 42 millions de dollars (33 mil - lions d’euros). Arkadin double de taille aux États-Unis pour atteindre près de 60 millions d’euros de chiffre d’affaires dans ce pays : «Nous devenons crédibles sur le premier mar ché mondial », déclare Olivier de Puymorin. En dix ans, la jeune pousse est devenue une belle ETI qui se place au troisième rang mondial de son secteur. Son chiffre d’affaires, post-acquisition, s’établit à 158 mil lions d’euros pour un Ebitda de 16 mil lions d’euros fin 2011. De quoi susciter l’intérêt d’acheteurs potentiels. Car mê - me les belles histoires ont une fin… Mais pour l’entrepreneur passion né, l’option d’une cession majoritaire n’est pas envisa-gée : « J’adore ce que je fais, je n’ai pas envie d’arrêter », témoigne Olivier de Puymorin. C’est donc dans ces conditions que le process s’engage et aboutit, en juillet dernier, à l’arrivée d’AXA Private Equity. Le nouvel actionnaire s’empare de 45% du capital, et permet à l’ensemble des financiers de se dé - sengager et à Apax de multiplier sa mise (près de 10millions d’euros au total) par 3,5. Le solde se partage entre les managers et Orange, entré en 2010 à hauteur de 20%. Pour Arkadin, qui connaît une croissance moyenne de 20% par an, les pers pectives sont belles. De nouveaux territoires restent à conquérir en Asie et en Amérique latine, et les services de web et vidéocon férence of - frent un fort potentiel de développement porté par la généralisation des smart phones et des tablettes. « Nous sommes rentrés sur un marché de niche en forte croissance, conclut Olivier de Puymorin. Notre volonté n’était pas de révolutionner l’offre, mais d’exécuter le business mieux que les concurrents. » Pari réussi. 

Coralie Bach

Repères

> 2001 : Olivier de Puymorin lance Arkadin avec l’aide de business angels.
> 2004 : L’entreprise atteint son seuil de rentabilité, et Apax Partners entre à hauteur de 4,5M€ 
> 2005 : Un deuxième tour de table de 5,2M€ marque l’entrée de CDC Innovation, aux côtés d’Apax.
> 2008 : Arkadin est présent dans plus de 20 pays à travers le monde.
> 2009 : Accompagné d’UFG Private Equity, qui fait son entrée (4%), les actionnaires organisent un LBO minoritaire.
> 2012 : En janvier, Arkadin rachète un concurrent américain, Conference Plus, et double de taille sur ce marché.
> En juillet, AXA Private Equity relaie les fonds historiques et s’adjuge 45% du capital.

Visions Croisées

Olivier de Puymorin, président, CEO et fondateur d’Arkadin, et Eddie Misrahi, président-directeur général d’Apax Partners

Private equity Magazine : quel bilan tirez-vous de ce partenariat ?

Olivier de Puymorin : Un bilan très positif. Ce que je n’ai pas appris à l’école, je l’ai appris au contact des fonds. J’ai intégré plus de méthodologie dans le travail, de la rigueur, des process… Le fait d’avoir des actionnaires financiers réputés vous confère une certaine crédibilité auprès des partenaires. Apax m’a également aidé dans les relations bancaires. J’ai envie de dire aux chefs d’entreprise : « Ne craignez pas les fonds ! Ils vous apportent leur expérience, et partagent le même but que vous : créer de la valeur. »

Eddie Misrahi : Nous avons noué un partenariat très fort avec le management, en particulier avec Olivier, avec qui nous avons créé une relation de confiance et de transparence. C’est un entrepreneur exceptionnel qui possède, en outre, cette capa cité à s’entourer de collaborateurs talentueux.

Private equity Magazine : quelle est votre plus grande fierté ?

O. de P. : Avoir le plaisir d’être associé à 80 ma - nagers, et avoir contribué à faire émerger des ta lents. Certains cadres d’Arkadin ont quitté le groupe pour monter leur propre entreprise. Pour moi, c’est une grande réussite.

E. M. : Au-delà de l’aspect financier, j’ai une grande satisfaction d’avoir participé à la création d’une véritable ETI, et ce en à peine dix ans. Lorsque nous sommes entrés au capital, l’entreprise avait 60 salariés, aujourd’hui elle en compte plus de 1000.

Private equity Magazine : Comment s’est déroulée la préparation de la sortie ?

O. de P. : Les discussions ont été menées de manière très constructive de part et d’autre. Nous avons retrouvé avec AXA Private Equity la même confiance que celle que nous avons connue avec Apax.

E. M. : Les actionnaires financiers sont entrés au capital d’Arkadin à différentes périodes. Or pour sortir, il faut que le management et l’ensemble des actionnaires soient d’accord. Lorsqu’un consensus a été trouvé, nous avons présenté le dossier à quelques fonds. Olivier tenait à ce que le repreneur soit minoritaire. Cela a découragé quelques candidats, et AXA Private Equity s’est finalement imposé. 
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