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L'histoire

Cognetas transforme Diana Ingrédients 09.10.07

Cognetas transforme Diana Ingrédients
Cession de l’activité «acides aminés», repositionnement des ingrédients naturels, consolidation du segment pet food par l’investissement, diversification des «ingrédients culinaires»… La société a trouvé la bonne recette avec ce premier LBO mené par Cognetas.
© D.R.
Cognetas transforme Diana Ingrédients
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Si la société Diana Ingrédients est passée en dix ans du statut de PME bretonne à forte culture industrielle à celui de grand groupe international de l’agro-alimentaire rompu aux techniques de segmentation marketing, l’entrée de Cognetas à son capital n’y est sans doute pas pour rien. La société avait commencé sa mue bien avant, mais l’évolution des résultats de l’ex-filiale du groupe de nutrition animale Guyomarc’h depuis son rachat par le fonds en 2004 est néanmoins spectaculaire : un chiffre d’affaires qui passe de 161 à 254 millions d’euros entre 2003 et 2006, un Ebitda qui progresse en moyenne de 19% par an sur la même période et une forte internationalisation (68% du chiffre d’affaires) se traduisant par l’ouverture de bureaux commerciaux en Chine, en Thaïlande ou en Argentine. Quels ont donc été les «ingrédients» de ce succès ?
Fin 2003, Diana Ingrédients est à vendre : la société opère sur des niches où elle a acquis des positions fortes, des arômes pour le pet food aux acides aminés pour l’industrie pharmaceutique, en passant par les extraits naturels et les ingrédients culinaires. Son taux de croissance interne atteint 10% sous l’impulsion de son actionnaire principal, la banque Paribas, qui, depuis la reprise de Guyomarc’h en 1990, gère sa participation de façon traditionnelle. Mais la fusion avec BNP, en mai 2000, a changé la donne : le nouveau géant bancaire souhaite céder les participations industrielles majoritaires héritées de Paribas.
En mai 2004, c’est donc Cognetas qui acquiert 85% du capital de Diana pour 270 millions d’euros, devançant Axa Private Equity, Candover, Bain Capital et le binôme ABN Amro-Barclays. Six mois d’étude de dossier, de décortiquage de bilans et surtout de discussions intenses entre le fonds et le management emmené par Olivier Suquet ont permis aux deux parties de s’assurer qu’elles avaient une compréhension similaire des enjeux du secteur et de la stratégie à mener, entente nécessaire pour que le fonds puisse jouer son rôle «d’accélérateur de croissance». «Il fallait recentrer Diana Ingrédients sur les activités liées au goût et à la nutrition, où la société semblait disposer encore d’un fort potentiel de croissance», affirme Patrick Eisenchteter, associé de Cognetas en charge de cet investissement. Logique donc qu’une des premières décisions soit de céder les activités non «core business», comme la production d’acides aminés : en juillet 2005, Bretagne Chimie Fine est vendue à Siparex et Céréa Mezzanine pour 25,5 millions.

Recentrage et repositionnement
Le repositionnement de Diana Naturals, le département «extraits naturels», est le second chantier : il s’agit de passer d’une stratégie de développement sur tous les segments à une stratégie plus ciblée. Cette filiale dispose en effet d’une gamme de produits très large pour les soupes, sauces, boissons et plats préparés, constituée par acquisitions successives dont la dernière, Villers, filiale de Nestlé spécialisée dans les fruits, légumes et viandes déshydratés, a eu lieu en juin 2004. Mais sur un marché en cours de segmentation et qui s’internationalise, elle pâtit d’un manque d’innovation et de différenciation de ses produits et d’un outil de production dépassé. Pour répondre à ces enjeux, Diana nomme à la tête de sa filiale un manager issu d’un grand groupe international : c’est Antoine Coutant qui, dès la fin 2004 avec l’aide de Thomas Derville, operating partner de Cognetas, va procéder au repositionnement de Diana Naturals sur le segment très porteur de la santé et du bien-être. La filiale accroît ses efforts de recherche et développement dans ce domaine, avec la mise au point de produits comme les extraits polyphénoliques de pommes, aux propriétés anti-oxydantes, utilisés dans les aliments fonctionnels et les compléments alimentaires.
Parallèlement, l’outil industriel est restructuré autour de 4 sites de production, spécialisés chacun dans un type de produits : les extraits destinés à l’alimentation pour bébés, les extraits marins et carnés, les extraits végétaux et les produits de niche, les extraits standardisés produits en plus large quantité. En 2006, la filiale met en œuvre un vaste plan de modernisation, d’un montant de 6 millions d’euros, et ferme 2 unités avec les conséquences sociales inhérentes (52 des 65 salariés concernés par la restructuration ont cependant été reclassés). Enfin, pour éliminer l’impact des saisons, Diana acquiert une structure d’approvisionnement dans l’Hémisphère Sud, la société chilienne Biofruit. Fort de ce positionnement optimal et de ce nouvel outil de production, Diana Naturals voit croître fortement ses ventes entre 2003 et 2006 (+26%), à 89 millions d’euros, tirées notamment par ses succès sur les marchés du baby food et des boissons aromatisées.

Efforts de R&D sur le pet food
La situation est quelque peu différente en ce qui concerne les ingrédients pour le pet food, qui représentent 46% de l’activité au moment du rachat de Diana par Cognetas : malgré une position solide en Europe et un savoir-faire reconnu dans l’élaboration de ces facteurs d’appétence si stratégiques dans la composition des aliments pour chiens et chats, le département Spécialités Pet Food (SPF) se heurte à un problème de capacité sur un marché où il devient nécessaire de pouvoir traiter la demande au niveau mondial. Dans le même temps, le management se pose des questions sur la pérennité de l’unité de production américaine, en perte. «Nous avions pourtant confiance dans les perspectives de croissance aux Etats-Unis, l’un des trois grands marchés avec l’Europe et l’Asie, explique Olivier Suquet. Nous avons donc décidé avec Cognetas de changer le management de cette filiale et de lui faire bénéficier du savoir-faire de son homologue française dans la mesure de l’attirance de l’animal pour son aliment. Par ailleurs, pour se rapprocher des clients et traiter une demande en forte hausse, nous avons ouvert de nouvelles unités de production en Hongrie et au Mexique.» Ces investissements vont s’avérer payants : devenu leader mondial incontesté dans un secteur en voie de concentration où le numéro deux, AFB Inter- national, vient de racheter le numéro trois, NuPetra, SPF a doublé son chiffre d’affaires entre 2003 et 2006. Cette filiale vient aussi d’investir 8 millions supplémentaires dans la construction d’une deuxième unité de production aux Etats-Unis, qui devrait être opérationnelle en septembre.
Dernière preuve, s’il en fallait, de la mutation de Diana Ingrédients, la diversification opérée par la troisième activité, les «ingrédients culinaires». Fortement dépendante du marché des bardes pour les industriels de la charcuterie, où les marges sont faibles, Cap Diana va réussir en trois ans son entrée sur le marché des sauces puis sur celui des «CAProtéins», protéines carnées aux propriétés liantes destinées aux industriels de la viande, avec un investissement de 4 millions d’euros en 2006 dans la construction d’un site de production à Pleucadec (Morbihan). L’impact de ce repositionnement sur ces produits à forte marge est net : les ventes progressent de 35% depuis 2003, de 22 à 30 millions en 2006, et la marge d’Ebit de 5,1 à 11,6%.
A l’heure du bilan, où Cognetas envisage de céder sa participation, les deux partenaires peuvent se targuer d’avoir atteint leurs objectifs avec un an d’avance sur le plan initial. Une réussite qui pousserait Olivier Suquet et son management à retenter l’aventure du Lbo en dépit d’une certaine réticence vis-à-vis de dettes jugées trop élevées dans les montages proposés par les fonds. Les candidats à la reprise sont prévenus…
François de Soulanges

Repères

> 1954
Jean Guyomarc’h fonde son entreprise spécialisée dans la nutrition animale à Vannes (Morbihan)
> 1990
reprise du groupe Guyomarc’h par Paribas
> 1999
recentrage sur la nutrition animale, cession des activités d’élevage et d’abattage ; indépendance juridique de Diana Ingrédients
> 2004
Lbo de Cognetas
> 2005
cession de BCF
> 2006
rénovation des sites de production d’extraits naturels et construction d’une unité de production de protéines haute fonctionnalité en France
> 2007
acquisition au Chili de Biofruit (extraits naturels) et construction aux Etats-Unis d’une usine de production d’ingrédients pour le pet food.

Visions croisées Diana Ingrédients/Cognetas

Olivier Suquet, Pdg de Diana Ingrédients, et Patrick Eisenchteter, associé de Cognetas, reviennent sur leurs relations dans ce LBO.
Private Equity : Comment a débuté votre histoire ?
Olivier Suquet :
Jean Ducroux et son équipe nous ont rendu visite en septembre 2003 pour la première fois. Au cours des mois qui ont suivi, ils ont su nous démontrer leur vif intérêt pour notre entreprise et son marché très particulier… malgré une certaine obstination à faire dévier nos entretiens vers la voile, mon loisir favori.
Patrick Eisenchteter : Nous avons eu tout de suite de très bons rapports avec Olivier et son équipe, qui nous ont permis de nous mettre d’accord sur la stratégie en cas de succès de notre offre. Cette longueur d’avance nous a aussi permis de nous concentrer exclusivement sur le processus d’achat.
Private Equity : Quel a été l’apport de Cognetas depuis son entrée au capital ?
OS :
Nous avons particulièrement apprécié la confiance de Cognetas quand, en 2006, au lieu de procéder à une recapitalisation, ils ont accepté de réinvestir pour remettre aux normes l’outil industriel et construire une nouvelle usine pour le pet food aux Etats-Unis.
PE : Au tout début du deal, nous nous sommes fortement impliqués dans la cession de Bretagne Chimie Fine. Mais nous avons aussi, plus tard, participé activement à la recherche de cibles d’acquisitions pour Diana Naturals.
Private Equity : Quel a été le rôle de l’operating partner engagé par Cognetas ?
OS : La précédente expérience de Thomas Derville chez Unilever Bestfoods, où il avait travaillé sur le positionnement «health & wellness» de leurs marques, nous a été très utile dans le cadre de notre réflexion stratégique sur le marché des extraits naturels.
PE : L’operating partner est à la fois une aide à la création de valeur et une courroie de transmission entre les deux parties, tout le contraire d’un œil de Moscou. Nous formons un véritable trio avec lui et le management.
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