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L'histoire

Avec 3i, Keolis prend un train d'avance 01.10.07

Avec 3i, Keolis prend un train d'avance
Rationalisation opérationnelle et financière, gouvernance et internationalisation. Autant de défis qui n’allaient pas de soi, mais que 3i a relevés en hissant Keolis aux standards du LBO en vingt-quatre mois seulement.
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Avec 3i, Keolis prend un train d'avance
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Pas de grève majeure en trois ans ! Sacré challenge pour un fonds d’investissement que de s’associer à un établissement public comme la SNCF pour reprendre une société qui n’a, à l’époque, que quatre ans d’existence. «La SNCF attendait quelqu’un qui prenne le manche et mette en place des solutions», explique Rémi Carnimolla, associé de 3i. Né en 2000 de la fusion entre concurrents de Carianne et ViaGTI, Keolis est alors contrôlé par SNCF Participations (43,5%) avec BNP Paribas (48,7%) et Vivendi Universal (7,8%). Un portage organisé avec la banque afin d’éviter une détention majoritaire pouvant soulever les contestations de concurrents étrangers…
Plusieurs tentatives pour recomposer le capital de Keolis sont lancées à partir de 2003. Ce n’est qu’en 2004, à l’issue d’un processus très compétitif, que 3i est préféré à d’autres fonds. Le fait que l’investisseur soit coté au London Stock Exchange a été un avantage  «compte tenu du métier compliqué de Keolis», qui exige transparence et loyauté vis-à-vis des autorités régulatrices et collectivités locales. «Notre aspect paneuropéen, avec un réseau matchant celui de Keolis et des capacités à internationaliser l’activité, a également joué en notre faveur», analyse Rémi Carnimolla. De London United à First Group, le fonds avait aussi accompagné de nombreuses opérations dans le transport de passagers au Royaume-Uni depuis son premier investissement en 1974 avec Proctor & Son. Outre cette expérience, il y eut dès le départ une bonne entente entre les équipes : «L’intuitu personae a été important car il est toujours compliqué d’être face à quelqu’un qui est à la fois vendeur et partenaire», poursuit l’investisseur, amené à négocier avec Louis Gallois, en référence à ce métier subventionné.

Un métier subventionné
Aux côtés de 3i (52,5%) et du management (3%), SNCF Participations (650 filiales, 60 000 salariés) conserve donc 44,5% du capital de Keolis. L’opérateur est présent dans 8 pays à travers plus de 3 000 contrats subventionnés, notamment de «délégation de service public» pour l’exploitation de près de 80 réseaux de transports : bus, trams, etc. Leader mondial de la gestion de métros automatiques, le groupe gère aussi complètement 4 aéroports (Grenoble, Chambéry, Angers et Méaulte). Keolis réalise 40% de son CA à l’international, sa faible marge d’exploitation (6%) étant compensée par la durée des contrats (de trois à sept ans) avec les collectivités.
Début 2005, Michel Bleitrach, ancien Pdg d’Elyo (Suez), est nommé président du directoire. Auparavant, Michel Lamboley, un spécialiste de l’univers du marché des collectivités après douze ans passés chez JC Decaux, avait été nommé directeur général et financier. Cash pooling des filiales françaises et des principales holdings à l’étranger, leasing opérationnel, création d’un service «financement trésorerie» : en deux ans, le groupe va être hissé au standard du LBO. «Au départ, Keolis était en cash pool avec la SNCF et il a fallu quelques semaines pour le doter de son propre outil de pilotage quotidien du cash, rappelle Rémi Carnimolla. C’est un groupe très décentralisé, où la règle du 80/20 s’applique difficilement et où la mise en œuvre d’un tel outil sur plus de 150 filiales aussi rapidement a été une première prouesse technique», poursuit-il.
«Nous avons ramené notre ratio dette sur Ebitda dans une zone sécurisée afin de renégocier favorablement notre documentation bancaire», précise Michel Lamboley. «Un énorme travail d’évangélisation a été effectué pour sensibiliser les managers à la gestion du BFR», ajoute Rémi Carnimolla. En juin 2006, Keolis refinance sa dette senior, ramenée de 225 à 45 points de base. Le groupe met également en place un plan de réduction des coûts de la holding qui finance à la fois le renforcement de certaines filières techniques et commerciales, et une accélération de la croissance par acquisitions et nouveaux contrats. Sachant que, côté commercial, les débuts ont été plutôt laborieux avec un renouvellement très concurrencé, par Transdev à Lyon en 2004, qui débouche  sur un contrat à perte (de 10,5 millions), jusqu’en 2010…

Gagner de nouveaux contrats
Pour autant, l’opérateur accompagné de 3i poursuivra une politique d’investissement intense, passant d’une logique opportuniste à une logique « systématique et normée ». Les succès s’enchaînent. En France, avec une politique de croissance externe (Cars Planche, Normandy cars, etc.) et un discours basé sur l’innovation (service d’alertes pour usagers par SMS, paiements par téléphone mobile, etc.), déterminant pour conquérir de nouveaux contrats auprès des autorités. Et à l’international, où Keolis mène une stratégie de conquête sélective, et gagne notamment la plus importante franchise ferroviaire au Royaume-Uni, celle du Kent, qui desservira les JO de 2012. «Nous étions en conseil de surveillance, rue Caumartin, le jour où Paris a perdu les Jeux Olympiques… On a tous reçu des messages de félicitation, puisque, à notre façon, nous avions gagné les jeux», se souvient Rémi Carnimolla. Une belle compensation de la perte du contrat Thameslink au profit de l’anglais First Group.
Keolis rationnalise certaines de ses activités ailleurs en Europe, en cèdant ses 50% dans Eurolines à Veolia Transports, et en arrêtant, en Scandinavie, le très difficile contrat Citypendeln, en juin 2006… sans pour autant réduire son expansion à Stockholm et Copenhague, où le groupe gère aujourd’hui respectivement 50% et 30% des bus.
3i ne sera resté que vingt-quatre mois au capital de Keolis. Durant cette période, le groupe aura recruté 5 000 personnes (pour 33 000 au final), avec un gros effort de formation et la mise en place d’un programme «master transports publics» avec l’EM Lyon. Pour réaliser désormais 2,6 milliards d’euros de CA, tirant 80% de l’évolution de son résultat net de son activité internationale. L’Ebitda est passé de 117 à 155 millions d’euros entre 2003 et 2006, appuyant la sortie de 3i avec un an d’avance. «Nous avons atteint le plan fixé en deux ans au lieu de trois ou quatre, un nouveau plan a été écrit, avec un changement d’actionnaire logique», reconnaît Rémi Carnimolla, dont l’équipe peut se targuer d’avoir multiplié par 4 son investissement. Estimé à 540 millions en 2004, le groupe vaudrait aujourd’hui plus de 7 fois son Ebitda, soit plus de 1,1 milliard d’euros.
Il avait d’abord été convenu que Deutsche Bank porterait les titres de 3i avant de les céder à des fonds d’infrastructures ou des institutionnels, au grand dam du private equity. Finalement, malgré l’absence de droit de préemption, Anne-Marie Idrac a profité de son entente avec 3i pour obtenir de piloter des négociations exclusives avec AXA Private Equity et la Caisse de Dépôts et Placements du Québec. Aux côtés de la SNCF (45,5%) et du management (2,5%), CDPQ prend 26% du capital tandis qu’AXA PE (20%) se joint à Pragma Capital (6%) pour constituer à trois un bloc majoritaire de 52%.
Les nouveaux actionnaires ont investi sur fonds propres et se sont engagés à soutenir la politique d’investissements futurs du groupe, soit près de 500 millions d’euros sur trois ans. La présidence du conseil de surveillance est confiée à Dominique Gaillard, membre du directoire d’AXA PE, tandis que Michel Bleitrach est confirmé à la présidence du directoire. Fort de ces nouveaux actionnaires internationaux, Keolis va continuer son expansion en France et à l’étranger. En s’intéressant de plus en plus aux marchés émergents comme l’Europe centrale ou le Maghreb. 
Othman Ferdaous

Repères

> 2000
Keolis naît de la fusion entre ViaGTI et Carianne
> 2001-2003
contrats Orléans Express (Canada), SouthCentral (Royaume-Uni) et Busslink (Suède)
> mai 2004
Michel Lambolley directeur général finance du groupe
> sep 2004
3i monte un LBO avec SNCF Participations
> 2005
Michel Bleitrach est nommé président du directoire ; Keolis remporte le contrat du Kent (Royaume-Uni), acquiert Planche et Normandy Cars… ; premier refinancement
> 2006
contrats Hellweg Netz (Allemagne) et Hur18 (Danemark) ; deuxième refinancement
> septembre 2006
sortie de 3i, Deutsche Bank porte ses titres provisoirement
> avril 2007
AXA Private Equity et la Caisse de Dépôts et Placements du Québec entrent au capital à parité.

Visions croisées Keolis/3i

Michel Lamboley, directeur général finance de Keolis depuis trois ans, et Rémi Carnimolla, associé de 3i, reviennent sur un partenariat réussi.
Private Equity : Comment a débuté votre aventure ?
Michel Lamboley : La particularité de ce genre d’opération, c’est que l’on sait au bout de six ou neuf mois si elle va réussir. La grande question posée par le personnel et les collectivités était de savoir si cet «alliage» entre partenaires industriel et financier était réaliste. Nous devions prouver qu’une alliance sous forme de LBO avec un fonds d’origine britannique ne se traduirait pas forcément par une réduction des investissements chez Keolis.
Rémi Carnimolla : Nous avons mis en place un plan de progrès assez rapide. Avant même que le deal ne se fasse, nous avions créé une ‘swat team’ avec des collaborateurs de 3i et un plan à 180 jours ; les banquiers étaient convaincus : nous faisions face à un secteur en croissance mais sous-optimisé, donc avec beaucoup de richesses à créer.
Private Equity : Quels étaient vos atouts pour réussir cette collaboration ?
ML : Le monde du transport est un univers de passionnés. Ce LBO nous a permis de construire un groupe avec une âme. J’ai la prétention de dire que trois ans plus tard, le groupe est vertébré, sait où il va, avec un code de valeurs affirmé.
RC : Il est bien clair que le management de tête a été profondément remanié – près de 15 managers recrutés en six mois et plus de 20 promotions accélérées de jeunes talents –, ce qui nous a permis d’avoir des équipes complètement motivées par le projet et par la volonté de développer le groupe.
Private Equity : Quel a été l’apport de 3i depuis son entrée au capital ?
ML : 3i nous a apporté une gouvernance
professionnelle et structurante qui n’existait pas auparavant. J’ai le sentiment que c’est un bel exemple de l’utilité du LBO : lorsque les intérêts bien compris sont alignés, cela crée un état d’esprit complètement sain, moins politique.
RC : Le groupe a bénéficié de nos réseaux pour recruter de nombreux managers en France et à l’étranger, lui ouvrir des portes et décrocher des contrats ou réaliser des acquisitions dans de nombreux pays européens. Nous avons aussi mis à la disposition du groupe des équipes complètes de collaborateurs quand cela était nécessaire, au début par exemple, ou pour appuyer des démarches innovantes.
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