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L'histoire

Les bonnes ondes de NextRadioTV 03.10.07

Les bonnes ondes de NextRadioTV
Retournement réussi sur RMC, build-up idéal sur BFM, lancement inespéré dans la télé… Sur ce deal atypique, les associés d’Alpha ont su tendre l’oreille.
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Les bonnes ondes de NextRadioTV
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Chaque fois que je vois un corbillard, je me dis que ça fait un auditeur de moins pour RTL.» Jean-Paul Baudecroux, fondateur du groupe NRJ, résume ainsi l’avenir de la radio. C’est aussi comme ça qu’Alain Weill, alors Dg de NRJ, a convaincu les fonds Alpha de reprendre RMC en 2000. «Nous l’avions rencontré dans le cadre d’une participation de nos fonds, l’opérateur haut débit Fortel, dans laquelle NRJ Group était actionnaire via le diffuseur Tower Cast, explique Alain Blanc-Brude, président du conseil de surveillance d’Alpha Associés Conseil. Le contact est bien passé et il nous a parlé du projet latent de reprendre RMC.» La radio monégasque, dont le capital se répartit alors entre la principauté (15%) et les Laboratoires Pierre Fabre (85%), perd de l’argent depuis l’avènement de la FM au début des années 80, et souffre d’une crise d’identité. Alain Weill a étudié le dossier de près mais Jean-Paul Baudecroux hésite car le CSA lui impose de vendre d’autres stations pour ne pas dépasser certains seuils de concentration géographique.

Un deal propriétaire
Après une courte réflexion, Alain Weill se lie à l’investisseur professionnel, laissant son poste chez NRJ et les promesses des stock-options… Ce deal propriétaire est un peu exceptionnel pour Alpha aussi : pas un Lbo mais du retournement, sur une société bien plus petite qu’à son habitude (alors à peine 11 millions d’euros de CA). «Mais avec un manager extraordinaire et un business-plan convaincant : nous ne pouvions pas passer à côté.» La vision stratégique d’Alain Weill est inspirée par le modèle américain, qui voit les radios généralistes perdre pied dans le paysage radiophonique au profit des stations thématiques dédiées à la musique, aux news, au sport, au talk-show, etc. avec un phénomène de zapping croissant lorsque l’auditeur veut changer de thème. Autre point fort : la profusion de nouveaux médias n’empêche pas de continuer à écouter la radio, qui reste le seul que l’on puisse suivre tout en faisant autre chose, par exemple en conduisant.
Fin 2000, les deux partenaires créent la holding NextRadio (65% pour les fonds Alpha, 35% pour Alain Weill), qui reprend les parts de Pierre Fabre et lance une lourde restructuration : déménagement de Monaco à Paris, car la «radio pastis» est trop identifiée Sud de la France, réflexion sur la publicité, alors régie en sous-traitance par une filiale de RTL… remobilisation pour une couverture étendue en termes de fréquences, cession de 20% restant détenus dans Nostalgie, etc. Surtout, Alain Weill applique sa théorie de la spécialisation pour faire de RMC une radio 100% talk avec deux thèmes principaux : l’info-opinion le matin (avec Jean-Jacques Bourdin) et le sport le reste de la journée. Très vite, la «radio du sport» acquiert l’exclusivité pour retransmettre, depuis les stades et en intégralité, les matches de la coupe du monde de football 2002.

Régie publicitaire propre
D’un point de vue financier, les conditions de la régie dépendant du groupe RTL ne sont pas bonnes, le contrat est cassé… «Il fallait être costaud pour créer sa régie à partir de rien», juge Alain Blanc-Brude. «Mais c’est un réflexe de survie quand le chiffre d’affaires continue de baisser alors que les audiences explosent», explique Alain Weill. Des décisions atypiques pour le fonds d’investissement, mais un «break-even point» rallié deux ans plus tard, fin 2003. L’audience nationale est passée de 1,8% en 2001 à 4,9% en 2006. Avec des pointes au-dessus de 5% et des objectifs légitimes, aujourd’hui, entre 6 et 7%, et ce, malgré une couverture nationale très partielle (il manque encore un tiers du territoire).
Une autre décision stratégique intervient en 2002, le rapprochement avec la radio BFM, fondée par Jacques Abergel avec les soutiens d’Apax, Dassault, Compagnie St Honoré, Bloomberg, Téléperformance, etc. Théoriquement spécialisée, Business FM était restée trop généraliste et dépose le bilan… NextRadio la rachète (3,2 millions) afin de la recentrer sur le business, tout en adoptant un modèle plus «low cost» (l’effectif passe de 120 à 45 salariés). Cette radio ne pose pas de problème de couverture, les grandes métropoles étant les seules ciblées. En revanche, là encore confrontée à un problème de régie publicitaire – alors confiée à une filiale d’Europe 1 potentiellement concurrente –, BFM fait l’objet d’un montage original, avec une reprise auprès du tribunal de commerce en location-gérance pendant les deux premières années. Le build-up se concrétise par un retour à l’équilibre seulement après un an : «C’était plus facile, BFM avait gardé une bonne image et ses auditeurs attendaient juste qu’elle redevienne la radio de l’économie», estime Alain Weill, parlant même de «petite pépite».
Enfin, après un recours de TF1 ayant entraîné l’annulation de quatre des premières licences TNT en 2001, le CSA relance un appel à candidatures pour la télévision numérique terrestre fin 2004. Avec trois critères prioritaires : nouveaux entrants, produit d’information et expérience. L’équipe de NextRadio les réunit : «Cette décision, ça a été pour nous assez intuitif», avance Alain Weill qui n’oublie pas que des studios TV étaient disponibles dans l’immeuble du groupe. Pour lui, une révolution se prépare car le plan câble n’a pas marché en France (75% des habitants ne sont alors couverts que par les 5 chaînes hertziennes). 26 chaînes sont lancées, dont 17 gratuites, LCI préfère rester sur les modes de diffusion payants. La bataille est politique. Le 9 mai 2005, le CSA récompense avec BFM TV un dossier très « abouti». «Face aux géants en place et aux enjeux, nous étions quand même un peu étonnés», note Alain Blanc-Brude. Lancée en novembre, BFM TV est déjà la première chaîne d’info sur la TNT, avec des sujets, débats et chroniqueurs pas uniquement économiques (Ruth Elkrief, Olivier Mazerolles, etc.), qui en font une chaîne plus proche de Sky News que de Bloomberg.
Tout ça impose une restructuration du capital : la sortie des fonds Alpha n’ayant pas d’horizon défini, Alain Weill étant jeune pour envisager une cession industrielle et les marchés boursiers repartant à la hausse, l’IPO apparaît naturelle pour lever de nouveaux fonds – en l’occurrence 25 millions (pour une capitalisation supérieure à 250 millions), uniquement réinvestis dans la télé car la radio s’autofinance largement. «La Bourse comprend généralement bien les projets à venir», espère Alain Blanc-Brude. Introduite à 19 euros le 7 octobre 2005, l’action NextRadioTV est montée au-dessus de 22 euros pour osciller à nouveau entre 20 et 21 avec la baisse des marchés en juin. Alors que Pinault-Artémis (monté à 12% dans BFM) et la principauté de Monaco (pour RMC) ont échangé leurs titres contre ceux de la holding introduite, les fonds Alpha ont cédé une partie du capital pour descendre de 65 à 25%… avec déjà, lors de l’IPO, la réalisation d’un gain en phase avec les objectifs et la volonté stratégique de conserver le solde encore un moment. n Fabrice Anselmi

Repères

> 1942
création de RMC, reprise par les gouvernements français et monégasque à la libération
> 1998
privatisation au bénéfice des Laboratoires Pierre Fabre
> 2000
reprise par les fonds Alpha et Alain Weill, qui «reconstruisent» une radio
> 2002
création d’une régie publicitaire en interne, acquisition des droits de la coupe du monde de football en exclusivité ; reprise de BFM
> 2005
introduction en Bourse de NextRadioTV ; 40 millions d’euros de CA (+26%), 6,3 de résultat opérationnel (+75%)
> 2006
chiffre d’affaires semestriel consolidé en hausse de 36%, à 26,7 millions d’euros (2,2 pour la chaîne BFM TV lancée en novembre).

Visions croisées NextRadioTV/Alpha Associés Conseil

Alain Weill, président-repreneur de NextRadioTV, et Alain Blanc-Brude, président d’Alpha Associés Conseil, reviennent sur cette histoire originale.
Private Equity : Comment considérez-vous cette aventure commune ?
Alain Weill : C’est avant tout une aventure humaine, une entente exceptionnelle entre nos deux équipes : les investisseurs d’Alpha ont toujours été très ouverts, très compréhensifs, même face au projet BFM TV, qui n’était pas évident pour eux au départ.
Alain Blanc-Brude : Nous recommandons des investissements pour les fonds Alpha après avoir identifié des opportunités, des cibles appropriées. Mais c’est aussi une histoire de confiance : l’investissement n’est réalisé que si nous nous sentons à 110% en confiance avec le dirigeant.
Private Equity : Quel a été l’apport d’Alpha en tant que conseil ? 
AW : Toutes les décisions se sont toujours prises à deux, mais je me suis vraiment appuyé sur eux pour les opérations d’acquisition. La relation a surtout été basée sur cette confiance, avec un souci permanent, des deux côtés, de faire faire une belle affaire à son partenaire. Outre leurs conseils techniques, c’est surtout cette relation qui a facilité les choses dans tous les cas.
ABB : Nous nous sommes beaucoup appuyés sur les recommandations stratégiques d’Alain Weill, sans jouer de rôle dans les formats. Et Alpha a apporté son expérience dans la reprise de BFM – avec cette location-gérance qui a permis de mettre fin au contrat de régie de RTL –, et dans le processus d’IPO. Nous avons été aussi actifs dans l’étude du dossier Skyrock, qui aurait été un build-up très complémentaire.
Private Equity : Et l’avenir…
AW : RMC va profiter du plan national FM+ lancé par le CSA pour couvrir enfin des régions entières dans le Nord et l’Ouest. BFM continue à jouir d’une très bonne image. Et la télé portable va entraîner une révolution sur les habitudes de consommation TV dont profiteront particulièrement les chaînes d’information. Nous avons plusieurs projets pour améliorer ce créneau, par exemple avec la location d’un avion qui permettrait d’envoyer rapidement des reporters sur le terrain, pour un coût moindre que des correspondants locaux…
ABB : RMC a donc encore un beau potentiel et BFM est lancée. Pour BFM TV, nous redoutons l’actuel projet de loi qui prévoit d’attribuer une nouvelle fréquence TNT gratuite à chacun des trois géants (TF1, M6 et Canal+) qui regrettent de ne pas s’être battus l’an dernier… Alpha souhaitant garder une position stratégique dans NextRadioTV, il faudra se battre pour que le lobbying de ces grands groupes n’aboutisse pas à une décision injuste.
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