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Portraits

Magali Joëssel réindustrialise la France 06.07.16

De ses débuts au Trésor public jusqu’à Bpifrance, comme directrice du Fonds Société de Projets Industriels, Magali Joëssel a orienté sa carrière vers l’intérêt général en s’investissant pleinement, aussi bien personnellement que professionnellement
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De son début de carrière au Trésor public jusqu’à Bpifrance, comme directrice du Fonds Société de Projets Industriels, Magali Joëssel a orienté sa carrière vers l’intérêt général en s’investissant pleinement, aussi bien personnellement que professionnellement, à travers les fonds qu’elle dirige.
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Parfois, il n’est pas nécessaire d’avoir fait HEC, Sciences Po ou l’ENA pour se retrouver à la tête d’un fonds de 700 millions d’euros. D’une voix calme et posée, Magali Joëssel dirige depuis 2014 le Fonds Société de Projets Industriels (Fonds SPI), un véhicule géré par Bpifrance et créé dans le cadre du programme d’investissement d’avenir. C’est la suite logique d’une carrière dédiée à l’intérêt général. « Travailler pour l’État m’a été inculqué par mes parents, eux-mêmes “hussards noirs” de la République », explique Magali Joëssel. C’est au Trésor public en 1994 qu’elle débute sa carrière après une bi licence de droit-gestion à l’université de Belfort (90). Puis à mesure de sa réussite aux concours internes, elle devient inspecteur principal du Trésor en 2000 et – consécration – en 2006, elle intègre l’Inspection des finances « externe face à cinq énarques, se souvient-elle, fière. Cela m’a ouvert de nouveaux horizons pour servir des projets mais à présent de façon moins régalienne ». Elle y travaille notamment sur les problématiques liées au microcrédit. De la sorte, elle intervient de façon concrète sur l’économie réelle et agit directement sur le quotidien des personnes qui l’entourent.

Du microcrédit à l’infrastructure

Tout ce qu’elle apprend, elle l’applique ensuite à la Caisse des Dépôts, dont elle devient directrice de l’investissement territorial. Elle pilote des activités d’investissement dans des infrastructures territoriales (immobilier, énergies renouvelables, numérique…) « C’est un établissement public en prise directe avec le développement économique de l’État. C’était une parfaite application de toutes les compétences que j’avais acquises pour répondre aux besoins de l’intérêt général », continue-t-elle. Pendant trois ans, elle investit au rythme effréné de 400 millions d’euros par an des tickets compris entre 1 et 20 millions d’euros. Et s’il y en avait qu’un ?… « Ce serait la mise en place de fonds pour le tourisme social et la rénovation de lieux de vacances autrefois détenus par de grands fleurons de l’industrie française et qui sont aujourd’hui aux mains d’associations à la puissance financière largement moindre. » Cette opération était sans doute annonciatrice de la suite, et de son action auprès de l’industrie française.

Créatrice de lien

Elle rejoint Bpifrance en 2013, après trois ans de « Caisse ». La volonté de Nicolas Dufourcq de mélanger le meilleur du privé au meilleur du public a trouvé un écho certain chez Magali Joëssel. Elle prend ainsi la direction de la stratégie. « Nous sommes partis d’une page blanche, avec un double enjeu. Nous devions nous réinterroger sur le “comment continuer à aider les entreprises et comment mettre en marche un ensemble créateur de valeur et de synergies pour les entreprises”. » Toutefois, le concret et l’opérationnel sont ses moteurs favoris. C’est donc naturellement qu’elle participe à la création en 2014 du Fonds SPI, qu’elle dirige aujourd’hui, et ce afin de mettre l’accent sur les points forts de la France. « Nous sommes le tiers de confiance qui permet de faire le lien entre une start-up et une ETI dont les intérêts convergent », explique l’investisseur. Au cours de la première année d’exercice, le tiers des 400 millions d’euros de départ a déjà été investi dans quatre projets qui représentent la création de 1 000 emplois directs et le double d’emplois indirects. Le plus emblématique de l’ambition du fonds reste l’investissement en octobre 2015 de 84 millions d’euros pour créer avec l’AFM-Téléthon une plateforme de production de dimension industrielle et, d’autre part, pour mener jusqu’à son terme le développement de thérapies géniques et cellulaires. « Nous n’agissons que lorsque le projet est différenciant, et celui-là l’est incontestablement », commente Magali Joëssel

Dans cet emploi du temps chargé, elle consacre le peu de temps qu’elle libère à ses enfants, vivant un peu des loisirs par procuration. Avec sa fille d’abord, elle partage la passion du foot et du PSG qui l’a fait retomber en enfance. « Je suis plutôt fan du FC Sochaux. Plus jeune, mon père m’a transmis la passion du foot et les émotions du stade Bonal », se rappelle-t-elle non sans une pointe de mélancolie. Puis, avec son fils, c’est volontiers qu’elle devient goûteuse des plats qu’il lui mitonne. Enfin « pour moi c’est la lecture. Jean Giono plus particulièrement, pour son côté humaniste, j’aime sa vision de l’idéal collectif. Et s’il n’y avait qu’un roman, ce serait “Le Hussard sur le toit” », commente-t-elle. Pas étonnant quand on est originaire d’une ville marquée par l’histoire ouvrière telle que Belfort, et qu’on a mis sa vie au service de l’investissement public.

Baptiste Pourquery de Boisserin

REPERES Afficher tout

 >>> 1994 : Inspecteur du Trésor public. >>> 2000 : Inspecteur principal du Trésor public . >>> 2006 : Inspecteur des finances. >>> 2010 : Directrice des investissements territoriaux à la Caisse des Dépôts. >>> 2013 : Rejoint Bpifrance comme directrice de la stratégie et du pilotage. >>> 2014 : Directrice du pôle d’investissement dans les projets industriels doté initialement de 425 M€. >>> 2016 : Le Fonds SPI est porté à 700 M€ par le Commissariat général à l’investissement (CGI).

ZOOM SUR LE FONDS SPI Afficher tout

La société de projets industriels a été créé en 2014 avec une première dotation à 425 M€ rallongée en 2016 à 700 M€. Il est géré par Bpifrance dans le cadre du Programme d’Investissement d’Avenir. Le fonds se positionne comme le lien entre une start-up ayant développé une technologie et un corporate désirant l’industrialiser. Il intervient en fonds propres et à hauteur de 30 à 45 % dans des sociétés de projets ad hoc portant des projets d’industrialisation choisis en fonction de leur potentiel de croissance, du positionnement actuel de l’industrie et de leur contribution à la transition écologique et énergétique. Déjà, quatre investissements ont vu le jour et un cinquième, revalorisant le tourteau de colza, vient d’être signé.

Evertree valorise les résidus du colza

Le groupe agroalimentaire Avril, le SPI et l’entreprise israélienne Biopolymer Technologies vont investir 72 M€ sur quatre ans pour créer Evertree. Cette joint-venture produira notamment des substituts aux toxiques composés organiques volatils que l’on retrouve dans les peintures, les résines ou encore les colles rentrant dans la conception de panneaux de bois, par exemple. La start-up a ainsi mis au point un procédé permettant la fabrication d’un additif pour résine à base de colza broyé. Il permet d’utiliser moins de résine pour une performance équivalente, de substituer aux résines actuelles des résines moins toxiques. Un pilote industriel installé à Compiègne devrait voir le jour en 2017, avant la création d’une usine de plus grand volume en France en exploitation dès 2018. À horizon 2020, la capacité de production devrait être de 50 000 tonnes par an, avec la création de 110 emplois directs à terme.

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