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Enquete

Foodtech : qui va manger l’autre ? 03.10.16

Foodtech :  qui  va manger l’autre ?
© D.R.
Même en France, pays de gastronomie, la foodtech s’impose en ville. Les petits plats commandés en ligne fusent à vélo, en voiture ou en scooter pour arriver au plus vite sur la table d’urbains pressés et exigeants. Les initiatives se sont multipliées, ont attiré des investisseurs et aujourd’hui la concurrence intense pousse les plus forts à croquer les autres tout en digérant des montants de cash conséquents.
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La recette de la foodtech ? Répondre au désir des consommateurs contemporains de manger vite, bien, sain, bon marché et… sans trop se fatiguer. Plusieurs initiatives proposent des solutions différentes à cette équation, avec plus ou moins de succès.

Les pionniers

La foodtech – c’est à dire les start-up s’occupant de repas – émerge depuis quelques années mais certains ont précédé la vague actuelle. En France, Alloresto a été fondé en 1998 et permet de contacter et payer, via son site, des repas livrés par des restaurants disposant de leur propre flotte de livreurs. En 2009, la société a monté un OBO avec Avenir Entreprises (devenu Bpifrance). En 2012, Alloresto a signé une joint-venture avec Just Eat (ce dernier est monté à 80 % du capital en 2014), un gros concurrent international créé au Danemark en 2001 et qui s’est introduit en bourse à Londres en 2014. L’IPO l’a valorisé 1,77 milliard d’euros. À l’été 2016, Alloresto a signé un partenariat avec Stuart, start-up de coursiers, afin de proposer de livrer les produits de restaurants qui ne le faisaient pas jusque-là. Autre pionnier tricolore, La Fourchette s’est pour sa part installée depuis 2007 dans la réservation de places au restaurant. « Il s’agit de yield management, l’entreprise installe chez le restaurateur un logiciel qui lui permet de jouer sur les prix pour optimiser le remplissage de sa salle, détaille Marc Fournier, partner de Serena Capital (investisseur au troisième tour de table de 8 millions d’euros réalisé en 2012). L’utilisateur du site de réservation va apporter son avis à la communauté, et bénéficie de réductions quand le restaurateur veut attirer davantage de clients. La société se rémunère à la réservation. » La Fourchette a été financée par Otium, Serena et Partech, s’est développée en Europe, avant de se faire racheter par le géant américain du conseil touristique TripAdvisor en 2014, pour un montant qui dépasserait 150 millions de dollars.

Les logisticiens

Un des gros morceaux du business de la foodtech concerne la livraison. De nombreux acteurs se sont lancés sur ce créneau, la plupart étant d’origine étrangère. Leur offre est essentiellement logistique, leur plateforme fait le lien entre les restaurants, les clients et les livreurs indépendants (à vélo, le plus souvent, car leur image est meilleure que celle des scooters) en dispatchant les courses. Parmi eux, le britannique Deliveroo a signé une cinquième levée de fonds de 275 millions de dollars cet été auprès de Bridgepoint, DST Global, General Catalyst et Greenoaks Capital. L’allemand Foodora est, lui, financé par l’usine à start-up Rocket Internet, et a également pris de bonnes parts de marché en France. Sur ce créneau, la difficulté provient de marges très faibles qui imposent une course à la taille financée par des levées de fonds gargantuesques. Et ceux qui ne lèvent pas assez mettent le vélo au garage, comme le belge Take It Easy en juillet 2016. Perte sèche donc pour ses investisseurs Rocket Internet, DN Capital, Lean Fund, Piton Capital et Eight Roads, ainsi que pour de nombreux restaurateurs et livreurs qui ne seront pas réglés. Même goût amer pour le français Toktoktok début septembre 2016 : il ferme, et son algorithme est racheté « à la casse » par Just Eat (Alloresto). Enfin, d’autres spécialistes de la logistique se sont diversifiés sur ce secteur, comme Uber avec UberEATS. En effet, cela ne change rien pour le chauffeur de transporter des personnes ou des repas.

Le catering

Certaines foodtech ont choisi de cuisiner elles-mêmes leurs repas. Elles remontent ainsi la chaîne de valeur, et proposent des plats composés avec des matières premières sélectionnées. En France, Frichti s’est lancé mi-2015 et a levé 1 million d’euros la même année auprès d’Alven, qui avait déjà vécu une success story avec les fondateurs. Dotée d’une cuisine à Paris, la start-up livre ses plats du jour évoluant en fonction des produits de saison. En mars 2016, un nouveau tour de table de 12 millions d’euros réunit Alven, Idinvest et des business angels. Le francilien Foodchéri a adopté le même positionnement et vient de lever 6 millions d’euros en septembre 2016 auprès de 360 Capital Partners et de son actionnaire historique Breega Capital. Ces acteurs doivent fonctionner comme un Sodexo ou un Elior pour que leur modèle tourne, avec un sourcing optimisé pour dégager une marge. Nestor, qui propose des plats créés par des chefs établis à livrer en entreprise, s’est positionné en B2B. Il a levé 900 000 euros en 2016 auprès de la plateforme Anaxago, de business angels et de The Family. La Belle Assiette aussi se place sur ce créneau, avec un service de traiteur qui a convaincu un pool de business angels en 2014, qui lui a confié 1,3 million d’euros.

La livraison d’ingrédients

En fait, ce qui est pénible dans un repas, ce sont les courses et la préparation des ingrédients. Donc des sociétés comme QuiToque proposent de livrer chaque semaine de quoi faire plusieurs repas, avec la dose exacte d’ingrédients et une recette rapide et simple. « Nous évitons en général les secteurs trop à la mode, et l’année dernière nous avions décidé de ne pas investir dans la foodtech, estimant qu’il y aurait une guerre du capital levé et des marges trop faibles, explique Jean-David Chamboredon, président exécutif d’Isai. Nous avons pourtant fait une exception pour QuiToque, car il s’agit d’un modèle d’abonnement dont le succès nous paraît reposer sur une intensité capitalistique plus raisonnable. » En février 2016, QuiToque (précédemment Cookin’theWorld) a levé 1,5 million d’euros auprès d’Isai, 360 Capital Partners et NCI Gestion. Le site revendique la livraison de plus de 40 000 repas chaque mois à travers la France, et a déjà avalé ses concurrents Tic Toque et Farm Truck. Plusieurs start-up proposent un service similaire, comme Cook Angels, Cook’n Box ou Foodette.

Le repas collaboratif

Enfin, il y a évidemment les « Airbnb » de la foodtech. Un particulier propose d’organiser un repas chez lui, et des gourmands réservent et règlent via un site qui joue le rôle de tiers de confiance. VizEat vient ainsi de lever 3,8 millions d’euros en septembre 2016 pour mettre en relation cuisiniers amateurs et leurs invités. Le fonds anglais Eurovestech fait partie des investisseurs. VizEat avait précédemment racheté son concurrent Cookening en janvier 2015.

Il y en a donc pour tous les goûts dans la foodtech, mais il est certain qu’une consolidation est en cours et que les investisseurs ont intérêt d’avoir misé sur le futur survivant, ou alors de bien lui vendre leur challenger.

Laurence Pochard

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1,1 Md€ levés en 2015 en Europe

86 deals en 2015 en Europe

6 des 10  plus gros deals de 2015 en Europe ont été financés par l’allemand Rocket Internet

275 M$ deal le plus gros de 2016 à ce jour en Europe, levée de l’anglais Deliveroo


SOURCE : Tech.eu, PrivatE EQUITY MAGAZINE

 

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