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L'histoire

Mont Blanc, la crème des LBO 09.11.07

Mont Blanc, la crème des LBO
Carve out, relance de la marque et redimensionnement industriel. Le challenge n’était pas aisé, mais le retrait réussi de Nestlé et le redécollage des ventes donnent de l’appétit à l’investisseur, Activa Capital.
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Mont Blanc, la crème des LBO
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A’histoire des crèmes Mont Blanc est-elle seulement celle de la renaissance d’une de ces belles marques françaises endormies au sein d’une multinationale ? C’est aussi, et peut-être surtout, la démonstration qu’une opération de Lbo est probablement la meilleure solution à la fois industrielle et capitalistique dans le cadre d’un spin off.
Lorsque le groupe Nestlé décide, en août 2002, de négocier en exclusivité avec le fonds d’investissement Activa Capital, il sait que la cession de Mont Blanc ne se fera pas sans heurts. Mont Blanc est un petit business rentable, mais son statut de marque locale le place au rang d’activité «non stratégique» au sein du groupe. L’annonce de la cession prochaine déclenche un conflit social lourd, qui conduit Nestlé à rechercher prioritairement une garantie que les repreneurs sauront reconduire Mont Blanc sur le chemin de la croissance tout en préservant le personnel.
Le choix du fonds d’investissement se fait donc naturellement sur celui qui propose l’articulation investisseur-manager la plus solide et la plus harmonieuse. Activa Capital offre la présence d’un management presque taillé sur mesure pour cette opération, en la personne de Michel Larroche, ancien directeur général de Heinz France. Le tandem dispose d’un track-record convaincant. Les styles s’accordent. Les hommes, aussi. Les intéressés reconnaissent s’être «choisis» l’un l’autre. Charles Diehl, l’un des quatre fondateurs d’Activa Capital, affirme que, dans le cadre d’un management buy-in (Mbi), «le management doit choisir le fonds avec lequel il va travailler». Pour Michel Larroche aussi, le choix s’est imposé : «Le positionnement d’Activa m’assurait de pouvoir travailler en direct avec les partners, et nous partagions la même logique de création de valeur entrepreneuriale», explique-t-il.
Le deal est signé en août 2003, après de longues négociations. La presse financière évoque alors une valorisation inférieure à 4 fois l’Ebitda, pour un montant global de 20 millions d’euros (le chiffre d’affaires s’élève à l’époque à 63 millions d’euros). Activa n’a jamais confirmé ces chiffres. Nestlé, désireux d’accompagner la transition dans un contexte social très tendu, conserve alors 19% du capital.

Les trois défis du spin off

La nouvelle équipe doit travailler simultanément sur trois fronts : le carve out (ou détourage), qui permettra de doter Mont Blanc de fonctions marketing, commerciales et logistiques propres, la relance de la marque dont les ventes sont en constante érosion depuis 2000, et la résolution d’un problème industriel lourd.
Deux ans plus tard, le carve out a été mené à bien. Les ventes, dopées à la fois par les investissements publi-promotionnels et par les nouveaux produits, ont repris le chemin de la croissance : sur les douze derniers mois, elles sont en augmentation de 8% en volumes et 12% en valeur… «La marque était en sommeil depuis des années, nous avons plus que doublé les investissements publi-promotionnels, et nous avons, bien sûr, innové», explique Michel Larroche. La société lance notamment les P’tits Mont Blanc, des goûters laitiers équilibrés en mini-gourdes pour les enfants, qui connaissent un fort succès, ainsi que les «recettes pâtissières» (des crèmes desserts au goût crumble ou tarte tatin), élues «saveur de l’année 2006».
Aujourd’hui, investisseur et manager ne cachent pas leur fierté : «Notre proximité nous permet de gérer le business mieux que le meilleur groupe alimentaire du monde…», affirme Charles Diehl. La réorganisation industrielle semble, quant à elle, pouvoir démarrer, après presque deux ans de négociations très tendues avec les syndicats. «Les coûts horaires de notre entité normande étaient très élevés, l’usine est surdimensionnée, et de nombreux investissements de productivité avaient été laissés en souffrance par Nestlé, mais le plan social adopté au printemps 2005 va nous permettre de trouver une solution au problème industriel hérité du passé», indique Michel Larroche. Cette solution passe aussi par le rachat à Nestlé, annoncé en septembre, de la marque Gloria. «Nous avions conclu en 2003 avec le groupe un contrat de co-manufacturing sur le lait concentré Gloria, mais les ventes de cette marque s’érodent de 15 à 20% par an et plombent les résultats de notre usine», explique Michel Larroche. Avec ce rachat, le manager reprend la main sur Gloria et envisage de lui appliquer la recette qui a si bien porté sur la marque Mont Blanc : relance des investissements publicitaires, et surtout innovation packaging et produit.
Fin septembre, Nestlé s’est totalement désengagé en revendant sa participation de 19% à Activa Capital et au management. «La société jouit d’une existence propre, la relance de la marque et la mise en place de la réorganisation industrielle permettent d’espérer d’excellents résultats. La phase d’accompagnement par Nestlé s’achève, logiquement», analyse Charles Diehl. En outre, il ne fait aucun doute que le TRI affiché à l’occasion de cette opération soit particulièrement attractif…
L’investisseur comme le manager entendent bien profiter de ce contexte très favorable et il ne serait guère surprenant qu’un plan de refinancement voit prochainement le jour. «Les conditions sont bonnes et l’intérêt pour le secteur est très marqué», reconnaît Charles Diehl. Cette recap ouvrirait par ailleurs la seconde phase de croissance de Mont Blanc sous l’égide d’Activa Capital : après le carve out et la relance des ventes, place à la croissance externe ! Car Activa Capital ne cache pas son souhait de voir Mont Blanc grandir. «Nous envisageons des opérations de build-up, probablement hors du segment des crèmes desserts», explique Charles Diehl, capitalisant ainsi sur le management plus que sur les synergies industrielles stricto sensu. Le tandem investisseur-manager repartirait donc volontiers pour un tour : un autre Lbo, un autre spin off… des opérations capitalistiques, certes, mais aussi un même souffle entrepreneurial.

Repères

> 1904
création du lait infantile Mont Blanc
> 1917
lancement du lait concentré Mont Blanc
> 1952
la Compagnie Générale du Lait lance sous la marque Mont Blanc les premières crèmes desserts prêtes à consommer
> 1971
acquisition par le groupe Nestlé
> août 2002
signature d’une exclusivité avec Activa Capital pour le spin off de Mont Blanc
> août 2003
signature du buy-in management buy-out : Activa prend 76% du capital, Nestlé en conserve 19%
> septembre 2005
Mont Blanc rachète à l’industriel sa participation minoritaire, ainsi que la licence européenne sur vingt ans de la marque Gloria ; le chiffre d’affaires avoisine 70 millions d’euros.

Visions croisées Activa Capital/Mont Blanc

Charles Diehl, partner d’Activa Capital, et Michel Larroche, président de Mont Blanc, reviennent sur une histoire qu’ils ont construit ensemble.
Private Equity : Investisseur-manager, comment cette relation s’est-elle articulée dans le cas du deal Mont Blanc ?
Charles Diehl : Dans le cadre d’un management buy-in comme celui-ci, il est clair que l’investisseur et le manager se sont choisis l’un l’autre très en amont. Nos styles sont très proches, nous parlons le même langage.

Michel Larroche : Nous prenons les décisions stratégiques ensemble sur la base d’une vision très partagée du business, mais l’actionnaire sait rester dans son rôle d’actionnaire, il laisse les managers gérer la société au quotidien avec beaucoup de liberté. Bien sûr, l’interface avec le fonds est plus fort sur les opérations financières, comme récemment lors du rachat de Gloria à Nestlé.

Private Equity : Quel a été jusqu’à présent le facteur-clé de réussite de ce Lbo ?
Charles Diehl : Enormément de travail ! L’équipe de Mont Blanc est de tout premier plan et a rempli tous nos objectifs. Ceci crée un climat vertueux, de confiance – social, commercial, financier.

Michel Larroche : Pour réussir, il faut que le management puisse travailler dans la sérénité pour le moyen-long terme. L’expérience d’Activa a permis de réaliser un montage financier sans tension excessive, qui autorisait la mise en place rapide des investissements commerciaux et industriels nécessaires. Ensuite, la qualité des décisions recommandées par le management à l’actionnaire et la bonne exécution de ces décisions font la différence.

Private Equity : Quelle est la valeur ajoutée d’un fonds dans la gestion d’une PME comme Mont Blanc aujourd’hui ?
Charles Diehl : Activa Capital offre aux PME un environnement AAA : un accès à des conseils, des expertises, un accès aux banques aussi… Et puis, nous attirons de grands professionnels du management comme cela a été le cas pour Mont Blanc.

Michel Larroche : Travailler avec un fonds est synonyme d’efficacité et de rigueur. Le fonds institutionnalise les choses, et il aide l’entreprise à devenir plus «lisible». Plus globalement, il évite aussi l’isolement dans lequel se trouvent souvent les PME.

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