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D.R.

Les fonds de private equity, leurs financeurs et leurs conseils ont attrapé le virus de la digitalisation. L’incubation a certes été longue et il restera, comme toujours, des réfractaires qui tarderont à franchir le pas. Mais force est de constater que la prise de conscience de l’utilité des outils numériques pour l’industrie est en marche, faisant le bonheur d’éditeurs de logiciels B2B et autres cabinets de conseil en transformation opérationnelle et digitale. Le mouvement promet même de s’amplifier avec l’avènement puis la montée en puissance des outils d’intelligence artificielle. « Tous les fonds ont accéléré sur le sujet du digital après la crise sanitaire et les confinements. Auparavant, ils ne ressentaient tout simplement pas le besoin de se doter de tels outils : le private equity n’est pas un business de structure de coûts et il mise beaucoup sur l’intuitu personae, qui s’accommode parfois mal du numérique. En outre, la réduction des coûts de compliance, qui peut être un des sujets couverts par le digital, n’a qu’un impact marginal sur le P&L d’une société de gestion. Certes, tous les GPs ont depuis longtemps leurs abonnements à des bases de données comme Preqin ou Pitchbook, mais cela s’apparente plus à un accès à de l’information minimale – à l’instar d’un analyste boursier qui ne peut pas ne pas avoir son abonnement à Bloomberg – et à de la commodité qu’à une vraie digitalisation », analyse Jean-Werner de T’Serclaes, senior managing director chez FTI Consulting.

Des besoins du GP…

L’essor du télétravail, la difficulté à se déplacer pendant plusieurs mois en 2020 et 2021, l’ouverture de la classe d’actifs aux épargnants particuliers, qui rend nécessaire l’équipement des GPs en outils de gestion de gros volumes d’informations… les bonnes raisons n’ont pas manqué ces dernières années pour pousser les sociétés de gestion à se doter de ressources humaines et techniques afin de passer à l’ère du private equity 2.0. « Pour la société de gestion, l’impact financier le plus significatif à attendre du digital et de l’IA concernera probablement les relations investisseurs. De tels outils peuvent aider à faire des scoring sur différents paramètres concernant les participations à destination des LPs, à personnaliser la communication et la segmentation de notre base de souscripteurs… Sur le plan du sourcing des deals, le cas d’usage est probablement moins probant et dépend du type d’investisseur que vous êtes. Un VC peut y trouver un intérêt compte tenu du grand nombre de dossiers qu’il reçoit ; c’est sans doute moins le cas pour un fonds midcap comme nous, à l’exception peut-être de la recherche de cibles pour des build-up », estime François Candelon, ancien consultant du BCG débauché par Seven2 en juin dernier pour occuper le poste de partner chargé de la création de valeur. Des initiatives ont déjà été prises par certains dans ce domaine, à l’instar de Jolt Capital, dont l’IA maison, Ninja, est bien connue et régulièrement citée en exemple d’un investissement certes important, mais qui permet à l’équipe d’investissement de gagner un temps considérable dans le sourcing de ses deals. « Nous voyons émerger des solutions d’intelligence artificielle permettant de mieux pré-qualifier les cibles, réduisant ainsi le haut du funnel du deal flow. Nous pouvons imaginer qu’à court terme, la valeur de la qualification sera encore plus différenciante pour les sociétés de gestion. Sur cette étape, je n’ai pas trouvé, à date, de solution arrivant à la cheville d’un investisseur. Trop d’éléments, notamment non codifiables et donc non paramétrables dans un LLM, rentrent en jeu », ajoute Valérie Legat, managing director et responsable du digital d’Astorg arrivée au début de 2024.

La montée en puissance de problématiques extra-financières dans les thèses d’investissement ont aussi ouvert un nouveau front pour des start-up spécialistes du big data. C’est le cas par exemple de SESAMm, qui réalise aujourd’hui la majorité de son chiffre d’affaires auprès de professionnels du private equity et au capital duquel Carlyle a pris une participation stratégique. « Nous n’avions pas initialement identifié le private equity comme étant un débouché naturel pour notre solution, mais il s’avère que nous y réalisons aujourd’hui la majorité de notre chiffre d’affaires. Les fonds sont très intéressés par notre capacité à collecter des données réputationnelles sur des entreprises dans lesquelles ils prévoient d’investir ou dont ils sont déjà actionnaires, particulièrement dans le cadre de leurs politiques ESG. Dans ce domaine, ils sont de plus en plus sous la pression de leurs LPs, qui veulent être au courant des controverses éventuelles et savoir ce qu’ils font pour y remédier, illustre son PDG Sylvain Forté. Enfin, les participations elles-mêmes cherchent à surveiller de plus en plus étroitement leurs chaînes logistiques et à maîtriser au mieux les risques liés à leurs fournisseurs. Contrairement au monde coté, où nos données viennent généralement en complément de celles des agences de notation, les acteurs des marchés privés sont bien souvent démunis lorsqu’il s’agit de trouver de l’information sur ces sujets. » En mars 2023, la société a bouclé une levée de fonds de 35 millions d’euros menée par Elaia, suivi par cinq autres nouveaux entrants – AFG Partners, Caisse d’Épargne Grand Est Europe Capital, Elevator Ventures (fonds de corporate venture de Raiffeisen Bank International), Opera Tech Ventures, Unigestion – et ses deux actionnaires historiques que sont Carlyle et New Alpha AM.

Les huit commandements de la tech appliquée au M&A

Jean-Christophe Fuzzati

Le digital est partout, même dans les process M&A. Ce n’est pas tant la technicité des fusions-acquisitions elle-même qui est en cause, que la manière dont acheteurs et vendeurs valorisent les actifs technologiques d’une entreprise au moment de la cession ou prévoient de s’en servir pour créer de la valeur future. Dans une étude récente* co-rédigée par son partner Jean-Christophe Fuzzati, Eight Advisory se penche sur ce sujet et identifie huit thèmes « qui façonnent les décisions d’investissement et les stratégies de création de valeur ». Revue de détails.

1 Une gouvernance de la donnée efficiente doit permettre de s’assurer qu’elle est précise, sécurisée et qu’elle peut servir d’aide à la décision. L’étude montre que les firmes qui se soucient le plus de ce cadre s’accommodent le plus aisément des obligations de compliance et ont une capacité plus forte à saisir de nouvelles opportunités de croissance ;

2 La gestion des identités et des accès (IAM) devient critique pour sécuriser des informations sensibles. Là encore, un cadre robuste permet d’intégrer sans difficulté de nouveaux actifs tout en conservant de forts standards de sécurité ;

L’optimisation des ERP est un défi majeur dans le cadre d’un plan d’intégration d’une cible. S’assurer de son succès est clé pour maximiser les synergies, ajuster les rapports et le pilotage financiers et améliorer l’efficacité opérationnelle ;

Se saisir de l’intelligence artificielle permet de se différencier dans le cadre de stratégies M&A. Toutefois, cela implique d’avoir une compréhension claire de son potentiel, de ses risques et de sa « scalability » au sein d’une organisation donnée ;

La robustesse du système d’information et de l’infrastructure IT est un pré-requis essentiel pour envisager une croissance de l’activité sans avoir constamment à y réinvestir ;

La cybersécurité est montée tout en haut de la pile des préoccupations de nombreuses firmes de private equity. La recherche menée par Eight Advisory montre que les GPs qui en font une priorité « sont mieux placés pour gérer les risques pendant et après les process transactionnels », qu’ils soient financiers ou réputationnels notamment ;

Digital et relations clients font souvent bon ménage à travers l’implémentation de stratégies de référencement naturel (SEO) permettant d’augmenter l’engagement en ligne des internautes, d’ouvrir de nouveaux segments d’usagers ou encore de répondre avec plus de réactivité aux changements des modes de consommation ;

L’ESG n’est pas absent de l’espace digital. « Intégrer des pratiques informatiques durables, comme la réduction de son empreinte carbone par l’usage de services de cloud sur mesure ou de data centers verts, reflète l’engagement dans l’investissement responsable. Cela permet non seulement de se conformer à la réglementation, mais améliore aussi l’attractivité d’un business pour des personnes engagées sur ces sujets. »

* Technology M&A : navigating the private equity landscape – Eight Advisory – janvier 2025

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