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L’indice Argos livrera le 20 novembre son verdict sur l’évolution des valorisations sur le midmarket de la zone euro au troisième trimestre. S’il est évidemment difficile de préjuger du niveau auquel il ressortira, il n’est pas exclu qu’il affiche une nouvelle baisse alors même qu’un relatif consensus se faisait jour lors de la précédente édition pour dire qu’il avait probablement atteint un point bas à partir duquel il serait de nouveau possible de « transacter » sur le marché du M&A. Cette analyse allait plutôt dans le sens des échos de marché de la fin de 2023 faisant état d’un pipe de deals à venir fourni et qui ne demandait qu’à se vider en 2024. À l’arrivée, l’impression dominante est plutôt celle d’un certain ronronnement de la dynamique transactionnelle cette année et d’un redémarrage qui n’a pas vraiment eu lieu ou, en tout cas, pas de façon homogène. « Beaucoup de discussions sont en cours entre des investisseurs et des cédants, mais elles tardent à se conclure. Les catalyseurs manquent encore pour réellement faire redémarrer le marché, résume Guillaume Piette, associé chez Financière de Courcelles. De manière générale, il y a une incertitude forte depuis la dissolution et l’avènement du nouveau gouvernement sur la poursuite ou non de la politique probusiness en vigueur en France depuis sept ans. »

Si ces atermoiements politico-juridiques franco-français ne peuvent expliquer à eux seuls le vrai-faux départ du marché M&A en 2024, ils sont assurément venus alourdir une barque déjà bien remplie par les tensions géopolitiques, les incertitudes macroéconomiques, les attentes d’une concrétisation des promesses de baisse des taux d’intérêt… Ainsi, la persistance de valorisations élevées, avec un ajustement encore à finaliser entre les attentes des vendeurs et celles des acheteurs, en est indéniablement une explication, mais ne saurait être la seule. « Nous constatons une concurrence accrue au moment des pitchs pour des dossiers valorisés entre 15 et 50 millions d’euros, pointe Alain Sitbon, président de DDA & Company, y compris par des équipes de conseil M&A qui sont plutôt des habituées des tailles d’opérations supérieures. Cela nous fait penser que le haut du marché reste peut-être un petit peu grippé. » De son côté, Jean-Philippe Bescond, associé chez Lazard, observe que, « sur le midcap, nous avons assisté à une mise en pause du marché du côté de l’offre à la suite de la dissolution, notamment de la part des managers et fondateurs. Beaucoup ont préféré prendre le temps de voir comment allait évoluer le contexte fiscal, notamment la flat tax… Tout cela a conduit à des décalages de process au cours des derniers mois ».

Dans le même temps, il note une forme de dégrippage progressif, y compris sur son segment de marché préférentiel qu’est l’upper mid et le large cap. « Nous avons vu un petit regain d’activité sur le marché des opérations comprises entre 500-600 millions d’euros et plus d’un milliard d’euros de valeur d’entreprise. Ce n’est évidemment pas encore l’euphorie que nous avons pu connaître à la fin de 2020 et en 2021, mais la situation tend à rentrer dans l’ordre », indique-t-il, citant des opérations comme le PtoP annoncé à plus de 2 milliards d’euros de Permira et CD&R sur le groupe de cybersécurité Exclusive Networks, les nouveaux LBO conduits sur Orisha (lire deal page 41) par Francisco Partners et TA Associates et sur i-Tracing par Oakley Capital et Eurazeo, ou encore les rachats d’Alstef ou de Magimix par Ardian. Sans parler bien sûr de l’opération Opella entre Sanofi et CD&R qui a fait couler tant d’encre cet automne… La question qui reste entière est toutefois de savoir si ces transactions, certes significatives, ont donné le signal d’un redémarrage en bonne et due forme ou si elles ne sont que les arbres qui cachent la forêt d’un midmarket encore quelque peu clairsemé. « Il est illusoire d’espérer une reprise rapide de la dynamique transactionnelle : elle sera graduelle et multi-factorielle », conclut l’associé de Lazard.

L’une des interrogations qui perdurent dans le contexte actuel tient précisément au rôle que chaque facteur peut avoir par rapport à un autre afin de calibrer au mieux la parade à mettre en place pour réussir malgré tout à déployer et à mettre en relation des fonds et des cédants. Évidemment, la matérialisation des baisses de taux a contribué à remettre un peu de baume au cœur des opérateurs de marché qui en parlaient et les attendaient depuis 18 à 24 mois. « La question des taux d’intérêt joue bien sûr un rôle dans l’état du marché actuel, mais n’explique pas tout. Certains secteurs font face à de vraies difficultés et l’évolution des facteurs macroéconomiques est venue rendre plus difficile la capacité de certaines entreprises à délivrer leur business plan. Les fonds doivent composer avec ces incertitudes et leurs propres contraintes, liées notamment à leur sourcing ou à la relation avec leurs LPs, et se montrent donc plutôt prudents », estime Pierre-Emmanuel Chevalier, associé en corporate au sein du cabinet d’avocats SVZ.

En outre, il est de notoriété publique que l’impact des baisses de taux sur l’économie réelle ne survient en moyenne que six à neuf mois après la décision de la Fed américaine ou de la Banque centrale européenne. Dans l’intervalle, elles ont quand même eu pour conséquence d’inciter à nouveau les banques à prêter et à financer des opérations à effet de levier. « Le retour à des taux d’intérêt plus modestes est bien sûr plutôt un facilitateur des transactions, mais il faut tout de même prendre en compte les réalités propres à chaque segment de marché, prévient Olivier Malard, directeur général de Crédit Agricole Midcap Advisors (Cama). Sur le small et le midmarket où nous évoluons, la liquidité ne s’est jamais vraiment tarie et le renchérissement de la dette a été moindre. En outre, ce coût du financement passe bien souvent après la qualité du business model de l’entreprise et la qualité de son équipe de direction dans la prise de décision d’un fonds d’y investir ou non. »

De plus en plus, les praticiens du marché du M&A constatent également que le sujet du current trading des entreprises pouvant faire l’objet d’un LBO réapparaît dans l’équation, et de manière parfois très prégnante. « Du fait de la nouvelle fébrilité des current trading de certaines entreprises, de la difficulté à lire les valorisations en vigueur dans la mesure où la moyenne ne signifie plus grand chose car les prix se fixent davantage sous la forme d’un nuage de points diffus, il est encore plus nécessaire d’avoir une vision très segmentée et fine de chaque secteur pour identifier les business models les plus prédictibles », prévient Guillaume Piette, chez Financière de Courcelles. Bien sûr, les acteurs du private equity ont toujours étudié les résultats passés de leurs cibles et tenté de les projeter sur les trimestres ou les années suivants. Cependant, compte tenu des tensions des derniers mois liées à l’augmentation des coûts de l’énergie ou à l’inflation, ils se montrent pour beaucoup encore plus sourcilleux, voire méfiants, sur ce point duquel dépend à nouveau, au moins pour partie, la fameuse « qualité » d’un dossier M&A. En effet, plus que le volume, les investisseurs sont assez unanimes depuis au moins un an pour pointer une dégradation de la « qualité » des opportunités qui leur sont présentées par les banquiers d’affaires. « Les sujets de current trading sont scrutés avec encore plus d’attention que par le passé du fait d’un contexte macroéconomique qui est à surveiller : l’impression générale est que les choses tiennent pour l’instant, mais qu’il ne faut sans doute pas trop tirer sur la corde. De ce fait, l’Ebitda est assurément devenu le roi et doit être d’un niveau confortable pour qu’un fonds s’intéresse réellement à une entreprise. La croissance du chiffre d’affaires ou la part des revenus récurrents restent bien sûr importantes, mais tendent à passer après la rentabilité dans l’appréciation d’un dossier », signale Alexandre Odin, associé chez DDA & Company. Exception confirmant la règle, cette boutique active sur le small et le lower midcap français s’apprête à boucler le meilleur exercice de son histoire, commencée en 1995, avec probablement plus d’une vingtaine de transactions au compteur.

Alvarez & Marsal mise sur le M&A thématique pour se différencier

C’est un banquier d’affaires chevronné, Mark Wyatt, qu’a choisi Alvarez & Marsal pour lancer sa nouvelle activité de corporate finance à Paris. Après avoir passé près de trente ans chez KPMG, dont il dirigeait la branche de conseil M&A, il lui incombe maintenant de positionner sa nouvelle maison de façon à se différencier sur un midmarket déjà très bien pourvu. « Notre stratégie s’appuie sur trois piliers que sont la diversité, des profils et des genres que nous accueillerons dans notre équipe, notre capacité à organiser des transactions transfrontalières grâce aux bureaux qu’Alvarez & Marsal possède dans le monde entier, et une expertise sectorielle très forte sur quelques thématiques, résume-t-il. Sur ce point, nos premières recrues en corporate finance sont spécialisées en santé et en sport et travaillent déjà sur une dizaine de mandats dans ces domaines. En parallèle, nous sommes en train de lancer d’autres verticales, notamment dans le luxe. » Cela représente huit personnes à ce jour, dont cinq pour couvrir le secteur du sport et des loisirs : Pierre-Marie Blois (Sporsora, ancien de Sportfive et de KPMG), Hubert Tuillier (ministère des Sports et KPMG), Sandra Crochemore (Sofiral, Fidal et KPMG Avocats), Armand Saillour (KPMG) et Thomas Gelinet (AS Monaco, Sportfive et KPMG). « En plus d’être une passion personnelle, le sport est à l’aube d’une phase de transformation majeure, assure Mark Wyatt. Nous voyons y émerger de nouveaux business models et une nouvelle génération de pratiquants, et nous sommes convaincus qu’il va renouer avec une forte dynamique transactionnelle. Pour la saisir, nous sommes dotés d’une capacité de conseil en sponsoring en plus du M&A classique. » Sur ce marché comme sur ses futurs terrains de jeu, Alvarez & Marsal Corporate Finance interviendra prioritairement sur des valeurs d’entreprises comprises entre 20 et 200 millions d’euros, aussi bien pour le compte de fonds de private equity que de corporates.

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